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Un enseignement conjoint du latin et du grec en classe de Seconde : récit d’une expérimentation pédagogique

08 / 09 / 2011 | le GREID Lettres

 

par Anne BOUSSELET, professeur de Lettres Classiques, Lycée Clémenceau, Villemomble

Descriptif de l’expérimentation

Contexte

Du fait du petit nombre d’élèves s’inscrivant en grec en Seconde et pour préserver cet enseignement au sein de l’établissement, l’équipe de direction et moi-même avons décidé de regrouper les 4 élèves de grec avec les 7 élèves de latin pour un enseignement de langues anciennes de 3 heures.
Pour faciliter cet enseignement double, les élèves sont réunis dans la même Seconde et ont cours soit dans des salles avec équipement informatique, soit dans deux salles qui communiquent.

Elaboration des séquences et programmes

Il se trouve que les entrées des programmes de grec et de latin en 2nde coïncident globalement . Je peux ainsi élaborer une progression annuelle commune en 3 séquences :

 la 1ère séquence regroupe l’entrée « Entre histoire et légende » en latin et l’entrée « Figures héroïques et mythologiques » en grec. On peut ainsi travailler sur la notion d’héroïsme avec les particularités de chacune des civilisations, l’héroïsme et le merveilleux dans la littérature grecque, l’héroïsme et l’histoire dans la littérature latine.

 la 2ème séquence permet de s’interroger sur la citoyenneté : le programme de latin propose l’entrée « L’homme romain » , le programme de grec l’entrée « L’homme grec ». Les élèves peuvent ainsi découvrir la vie quotidienne à Rome et à Athènes, les structures sociales de la démocratie et de la République ou les diverses pratiques religieuses et leurs liens avec la cité.

 la 3ème séquence, qui s’inspire des entrées « Le monde romain » et « Regards et discours sur l’ailleurs », permettra de réfléchir sur la vision des étrangers et des barbares en Grèce et à Rome ainsi que sur les conquêtes romaines et sur les premiers ethnographes grecs. 
Chacun des groupes dispose du livre publié chez Hatier Belles-lettres : « Grec 2° », « Latin 2° ».

La réalisation

Le principe de base repose sur une alternance entre le travail commun et le travail sur la langue par groupe spécifique. Grâce à des recherches documentaires, à des analyses de documents iconographiques et à des lectures de traduction, les élèves peuvent découvrir ou approfondir leurs connaissances des civilisations latine et grecque ensemble. Ensuite ils vont étudier des textes en langue ancienne et approfondir leurs connaissances grammaticales séparément.
On peut donc ainsi faire alterner des travaux de recherches documentaires (sur internet ou au CDI), des lectures et des travaux de langue en groupes, soit de façon autonome, soit avec la présence du professeur, pour apprendre des notions grammaticales ou du vocabulaire (en suivant la progression des acquisitions nécessaires préconisées par les programmes).
Les documents de travail sont avant tout le manuel, ou bien des textes choisis préalablement en fonction de leur difficulté et du niveau des élèves (rappel : les élèves héllenistes entrant en 2° au lycée n’ont pas encore beaucoup d’acquis et doivent découvrir le fonctionnement de la langue grecque dans des textes accessibles et complétés de leur traduction.).
Après ou avant le travail d’analyse et de traduction des textes, je propose un cours sur un point grammatical selon la progression que j’ai préalablement définie.
Exemple de progression au 1° trimestre :

 latin : révision des déclinaisons et conjugaisons, ablatif absolu, propositions complétives, propositions relatives ;

 grec : apprentissage de la 3° déclinaison, temps de l’indicatif, mots-outils, participe présent.
Le travail est réalisé à partir d’extraits de textes authentiques présentés soit avec des « trous » à compléter, soit avec des traductions incomplètes à terminer, soit avec des petites phrases de thème d’imitation .
L’évaluation se fait lors de contrôles systématiques après chaque nouvelle leçon.

Des effets positifs

Même si la progression est un peu plus lente que dans une classe unique , on peut constater beaucoup d’intérêt pour la mise en commun des questions d’histoire, de civilisation et d’étymologie , une bonne participation aux recherches communes, et surtout un apprentissage très positif de l’autonomie : ainsi, par exemple, il est tout à fait étonnant et satisfaisant de voir les élèves de grec, seuls dans leur salle, s’approprier d’eux-mêmes le tableau et la craie pour réaliser un tableau synthétique judicieux des prépositions qu’ils ont à apprendre.

Ouverture sur l’établissement et le reste des classes : un exemple de travail spécifique pour faire connaître le cours de langues anciennes

Dans cette configuration commune qui permet de travailler avec l’ensemble des élèves, il est alors possible d’installer un projet d’ouverture sur l’établissement pour faire connaître les langues anciennes .
Celui-ci se réalise autour des apports dont j’ai bénéficié en suivant des stages de formation notamment au plan archéologique. L’établissement et sa direction se mobilisent alors pour favoriser des sorties, prévues essentiellement au mois de mars lors du festival européen de latin-grec à la Sorbonne. Pour faire connaître la civilisation antique, un repas antique est proposé à la cantine durant ce même mois et sont organisées des interventions d’élèves dans les autres classes selon les voeux et possibilités des collègues .
Le projet prend place au début de la séquence 2 qui traite de la vie quotidienne et plus précisément sur le thème de l’alimentation dans l’Antiquité .
L’objectif est de présenter des extraits d’oeuvres littéraires montrant les aliments consommés par les Anciens.
Je sélectionne donc de très brefs passages d’ auteurs ( Homère, Aristophane, Xenophon, Plaute, Juvénal, Pétrone, Suétone) où il est question de nourriture.
Chaque élève reçoit une feuille avec l’ensemble de ces extraits, en grec et en latin, selon la thématique et le plan que j’ai choisis, et un second document comportant le vocabulaire correspondant. Ces textes sont ensuite traduits puis restitués à l’ensemble de la classe. Enfin, devant d’autres élèves, non inscrits en langues anciennes, ils sont lus et traduits.
Ainsi pourra-t-on, dans l’établissement, découvrir un des aspects de la civilisation antique en mêle temps que quelques textes d’auteurs .

Un bilan en début d’année

Même si la progression grammaticale paraît un peu lente, les élèves semblent beaucoup plus à l’aise avec la langue et l’exercice de traduction, sans doute en raison de la démarche autonome qu’ils sont obligés d’adopter pour s’approprier les textes.
En tant que professeur je peux dire que, même si le travail de préparation pour une heure est double, j’éprouve une grande satisfaction en voyant les élèves installés dans une sorte de familiarité avec les textes anciens. Ma présence en classe doit être très active pour passer d’un groupe à l’autre, mais le petit effectif permet de réaliser en quelque sorte un « accompagnement personnalisé » là où on ne l’attend pas.

Une séquence particulière en latin en classe de 1°

Les circonstances

Les élèves de première sont regroupés avec les élèves de terminale, pour 2 heures.
La 1° séquence a pour objet l’étude de L’art d’aimer d’Ovide, au programme du baccalauréat.
Mais il se trouve que les élèves de 1° ont déjà étudié les textes d’Ovide l’an dernier. Donc, pour éviter la lassitude, après les cours généraux sur l’oeuvre entière, j’ai souhaité dissocier les 2 niveaux par un travail différent pour les 1°.

L’objectif général

Les élèves réfléchissent sur l’image de la femme romaine dans l’art d’aimer, observent des représentations de fresques, et proposent de mimer certains passages où Ovide s’amuse à dépeindre la femme à sa toilette, préoccupée de dissimuler ses défauts ou de soutirer quelque cadeau à son amant .
Il est décidé de présenter de petites scènes à partir du texte d’Ovide sélectionné.

Réalisation

Le principe est d’effectuer des aller-retour entre le texte d’Ovide et sa traduction de façon à maîtriser par coeur des extraits de L’art d’aimer.
Dans un premier temps le texte est lu en traduction afin de délimiter précisément les passages intéressants pour une mise en scène.
Dans un deuxième temps, les élèves , par groupes de 2 ou 3, font un travail libre d’adaptation et d’imagination pour envisager le déroulement de saynètes en français.
Les élèves reçoivent ensuite le texte entier en latin de trois petites scènes que j’ai recopiées ou réecrites avec la répartition des personnages et les didascalies.
Dans un troisième temps , chaque élève se voit attribuer un passage court ( 2 à 4 vers) qu’il doit traduire mot à mot à l’écrit : cette traduction est évaluée
Dans un quatrième temps , ils restituent chacun tour à tour leur traduction à l’oral , avec précisions grammaticales et vérification des notions grammaticales ( rappel : 4 élèves n’ont pas suivi le cours de latin en 2° et se sont réinscrits en 1° , ils ont donc quelques lacunes supplémentaires à compléter). Cet exercice est suivi d’une retraduction en langage accessible.
Ensuite les élèves travaillent sur une mise en scène en se répartissant les différents rôles : ils doivent dire leurs répliques en latin avec traduction simultanée par un autre élève , et mimer ce qui est nécessaire.
Enfin, le travail sera présenté devant leur groupe , puis devant le groupe de tous les latinistes – héllenistes de l’établissement , puis devant les classes littéraires et le groupe préparation au supérieur ( « Osez plus » :projet spécifique existant dans le lycée ) , lors de la journée des langues anciennes du mois de mars ( voir projet de la classe de seconde et participation des élèves de terminales en grec).
Sur la suggestion des élèves , certains collèges des environs pourraient être contactés . (projet à méditer )

Bilan

L’expérience montre que le travail d’acquisition des difficultés grammaticales spécifiques de la langue poètique se fait de manière plus souple , que les élèves perçoivent mieux la place du poète et la portée didactique et parodique du poème , et qu’enfin , l’humour et l’ironie du poète deviennent plus aisément perceptibles sans passer sytématiquement par le cours magistral .
Mais surtout le fait de maîtriser par coeur et de façon plutôt ludique une partie du poème d’Ovide me semble une bonne manière d’ appropriation du latin.

 

 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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