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L’analyse en vidéo : Des gestes analysés et commentés

21 / 04 / 2012 | le GREID Lettres
Tatiana Bole, professeur de français au collège Mon Plaisir de Crécy-la-Chapelle- (77)
Karine Risselin, professeur de français au collège Jules Ferry de Villeneuve St Georges (94)
 
 
Lors de nos analyses, nous avions en tête l’ouvrage de Dominique Bucheton et de son équipe, Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français[1]. Il ne s’est pas agi de partir de leurs catégories[2] mais de s’en nourrir pour comprendre ce qui se jouait côté enseignant, notamment au début de séances de grammaire, réputées difficiles.

 

 

 

 

Le passif en 5e

Le lancement des consignes 

On remarque que les consignes sont données à la fois à l’oral et à l’écrit. Le support visuel est la trace du cours, il crée une redondance par rapport au discours de l’enseignant.

Pour ce qui est des consignes données à l’écrit, il faut se reporter au diaporama qui était affiché au tableau.

La mise en groupe avec rappel des règles

Une mise en groupe peut paraître une modalité risquée : chronophage, bruyant, le travail de groupe est souvent questionné par les enseignants : est-il fertile ?

Il l’est si l’on fait le choix de privilégier les interactions langagières entre élèves.

Commentaire de la vidéo : comme on peut le constater, le moment de la mise en groupe est un moment bruyant (surtout dans les petites classes) et un moment de tension pour l’enseignant qui doit vite rétablir une atmosphère de travail, veiller à ce que le matériel installé ne soit pas abîmé (…) Le travail en groupe doit avoir un objectif précis et avoir une durée en rapport, avec l’activité demandée ; les élèves, qui sont habitués à cette pratique, se mettent très rapidement au travail.

La gestion du temps

Pour lancer la tâche, l’enseignant a ici recours à une formule très dynamique : « A vos crayons ! »

Le temps est annoncé en début de tâche : « une dizaine de minutes tout au plus ». Il n’a en réalité pas été respecté et ce travail a dépassé la demi-heure. L’enseignant a laissé faire, jugeant que le travail de ses élèves était fertile et que le restant de la séance saurait largement profiter de ce temps supplémentaire.

L’étayage :

- l’invite à la parole

- la relance avec la répétition de la parole de l’élève

L’intervention du groupe :

Le groupe, incité par l’enseignante (« Allez, on aide Joël ! ») prend la parole

La relance :

Les élèves semblent ne pas voir le problème que l’enseignant veut soulever (identification de la forme verbale passive). Sans donner la réponse ni passer à autre chose, l’enseignant essaie de trouver un autre angle d’approche.

L’étayage : le rebond sur les remarques des élèves : comment mener les échanges et utiliser les obstacles ?

1er cas : quand il y a intervention intéressante mais problématique : ne pas entendre de suite

Sous une formulation certes très maladroite (« S’il n’y avait pas eu, ‘morceau de bois’, le sujet serait ‘ petite fille’ »), Tania touche du doigt un point très important de la notion grammaticale abordée. L’enseignante choisit malgré tout de ne pas donner suite à cette remarque qui bouscule un peu trop ses choix : en effet, commenter cette remarque aurait mené la classe un peu trop loin dans l’approche de la notion grammaticale, ce qui aurait été prématuré à ce stade de manipulation et de découverte par l’écriture. En revanche, au moment de la partie du cours qui mettra en évidence le bouleversement syntaxique lié à la transformation passive, l’enseignant commencera en rappelant aux élèves la remarque faite précédemment par Tania.

2ème cas : différer une remarque élève : inscrire cette remarque au tableau.

3ème cas : utiliser délibérément les propositions d’un élève quitte à bousculer la progression prévue par le professeur.

Ici, exemple avec l’élève en difficulté pour produire, étayage des pairs, discussion sur « par »

Cette fois, l’enseignant choisit de rebondir sur l’erreur de l’élève « Une petite fille en beige poursuiv[é] par une fille en marron. » : En effet, la phrase proposée par celui-ci pose problème à ce stade de manipulation puisqu’elle n’a pas de sens. Il est donc intéressant de voir avec la classe les origines de l’erreur et d’en arriver progressivement à une phrase syntaxiquement correcte.

La phrase en 3e

Le lancement des consignes 

Dans le lancement de consignes, il y a une explicitation soutenue de l’objectif de la séance. On remarque dans l’extrait ci-dessous que l’enseignant met en voix à l’aide de différentes tonalités : « qu’est-ce qu’une phrase ? » et « qu’est-ce qu’une proposition ? » ; il finit sur l’enjeu de passer à l’écrit en insistant sur la nécessité de créer des exemples et en rappelant le temps imparti. Enfin, par son silence, il invite les élèves à se mettre au travail.

La gestion du temps

Le temps est annoncé en début de tâche, ici 10 minutes. Sur la vidéo, les 10 minutes sont respectées. Pour cadrer ce temps de travail, l’enseignant ne manque pas de rappeler les bornes : à la fin du travail pendant lequel l’enseignant a pu suivre individuellement certains élèves, il fait cesser ce temps de travail par une formule « on ne va pas épuiser le sujet », il se présente alors au tableau devant la classe et lance le débat par une question ouverte, susceptible de déclencher la parole des élèves « Qu’est-ce qui vous gêne… ? »

 

L’étayage :  l’invite à la parole / la relance avec la répétition de la parole de l’élève

L’enseignant donne la parole à l’aide d’une question qui permet un sondage « Qui a réussi à créer un exemple ? » (10’04) ; cette question permet de nommer les élèves, donc d’impliquer le groupe classe tout en glissant vers un élève donné : « Qui veut bien commencer ? ». L’invite à la parole se veut réellement bienveillante. On remarque que l’enseignant répète très fréquemment la parole de l’élève : ce qui est dit est alors investi. 

L’étayage : le rebond sur les remarques des élèves : comment mener les échanges et utiliser les obstacles ?

1er cas : quand il y a intervention intéressante mais problématique : ne pas entendre de suite

2ème cas : différer une remarque élève : inscrire cette remarque au tableau.

Lors d’un étage qui se complexifie, il appartient à l’enseignant de sérier les remarques des élèves. Ici, lors de l’échange sur la définition de la phrase, alors que le groupe venait de toucher le problème de la phrase et de la non phrase, de la phrase dite standard en grammaire et de la phrase actualisée en discours (voir situation ci-après), l’enseignant choisit de ne pas utiliser tout de suite les remarques de l’élève ; il le lui dit en notant au tableau deux mots clés « phrase simple/phrase complexe ».

3ème cas : utiliser délibérément les propositions d’un élève quitte à bousculer la progression prévue par le professeur.

L’extrait est ici intéressant car il montre comment entre 4 élèves les idées circulent, en lien avec la classe : 

1) Un élève se propose de lire sa définition de la phrase : les critères de ponctuation, ainsi qu’une référence au modèle « sujet/verbe/complément » est proposé ;

2) Sur invite de l’enseignant, une autre élève complète son propos par un exemple « le chat mange la souris ».

3) L’enseignant ne juge toujours pas ce qui est dit, mais relance l’échange à l’aide d’une phrase assez ouverte : « on pourrait dire « une phrase c’est toujours ça… » ? » ; un autre élève intervient alors (à 13’03) pour contester ce modèle de phrase dite standard. On note ici que cette étape venait plus tardivement dans le déroulé de la séance de l’enseignant.

4) L’élève est lui-même repris par son camarade qui veut aller dans son sens mais échoue à proposer un exemple de « mot phrase » ; l’enseignant utilise alors ce mauvais exemple « le footballeur » pour le mettre en opposition avec le bon exemple « sortez ! ».

Les erreurs permettent les tâtonnements : lors de cet échange à quatre voix, qui aura duré trois minutes, la classe tourne réellement autour du concept de phrase, l’appréhende par manipulation successive.

Les bilans intermédiaires : la phase d’institutionnalisation

Pour clore ce premier débat, l’enseignant va mener une synthèse. La modalité choisie ici est un apport magistral dialogué ;

- l’enseignant prend d’abord appui sur un élève plus discret qui pose la notion d’ « échanges », qui est repris par un autre élève à l’aide du mot « dialogue » que l’enseignant glose ;

- il dit explicitement à la classe la nécessité de mener ce bilan : « J’insiste un peu là-dessus » ;

- il surjoue un exemple autour de l’exemple qui avait été si fécond lors de ce premier quart d’heure ;

- enfin, il demande à la classe une définition de la phrase qui serait, suite aux échanges, une définition partielle qui poserait le chantier. L’enseignant impose alors une contrainte : cesser d’évoquer la phrase standard et la ponctuation.

 

Annexe 1 : sommaire des extraits vidéos

Vidéos Grammaire – Gestes professionnels – Karine Risselin
1) Lancement de l’activité et passation des consignes
2) La gestion du temps
3) L’invite à la parole
4) Intervention de Kévin, répète les propos de Kévin sans juger
5) Intervention d’une élève : on diffère l’utilisation de cette intervention
6) Institutionnalisation progressive : échanges, mise au point sur la notion de « groupe de mots », signal pour un bilan intermédiaire, synthèse
 
Vidéos Grammaire – Gestes professionnels – Tatiana Bole
1) Extrait 1 - Les consignes
2) Extrait 2 - Rappel des consignes et mise en groupe
3) Extrait 3 - Le professeur relance le groupe
4) Extrait 4 - Le professeur rebondit sur une erreur
5) Extrait 5 - Le groupe prend la parole
6) Extrait 6 - Le professeur choisit de ne pas rebondir sur l’erreur d’un élève
 


[1] D. Bucheton, O. Dezutter, (sous la direction de), Le développement des gestes professionnels dans l’enseignement du français, De Boeck, 2008.
[2] Se reporter à l’annexe 2.

 

 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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