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Rejouer la Querelle des Anciens et des Modernes avec Facebook

24 / 08 / 2013 | F. Cahen

par Françoise Cahen, professeur de lettres au lycée Maximilien Perret d’Alfortville

  • Niveau : seconde
  • Durée : 8 heures environ
  • Objectifs :

- Rendre plus vivant un grand débat de l’histoire littéraire
- Réviser les textes étudiés dans un groupement en vue d’une dissertation

  • Supports :

- Le groupement de textes du manuel Passeurs de textes Le Robert Weblettres, seconde sur la Querelle des Anciens et des Modernes, p. 200-206.
- Le livre de Marc Fumaroli La Querelle des Anciens et des Modernes (Folio) dont on photocopiera quelques extraits aux élèves.

  • Outils TICE : Le réseau Facebook, un blog de classe, un logiciel de traitement de textes, un accès internet
  • Démarches et activités :

- Réflexion sur la notion de « Querelle des Anciens et des Modernes » : les élèves inventorient des querelles actuelles opposant le point de vue de la tradition à celui de la modernité. Par groupes, ils choisissent un thème d’actualité, cherchent sur internet des articles présentant des points de vues opposés, et écrivent un petit bilan de ce qu’ils ont lu. (2 heures)
- Etudes de textes classiques avec le manuel : un tableau contenant un résumé des arguments et les citations clés est rempli au fur et à mesure de l’étude des textes (une heure par texte = 4 heures)
- Les élèves transposent la Querelle des Anciens et des Modernes sur Facebook (une heure par demi-groupe) en créant les profils des auteurs et en les faisant dialoguer les uns avec les autres.
- A la maison, ils étudient de petits extraits de textes complémentaires qui les amènent à voir qu’il y a d’autres intervenants dans cette Querelle.
- Evaluation finale sous forme de dissertation guidée en deux heures : « Entre les partisans des Anciens, ceux qui défendaient les Modernes , et ceux qui avaient un point de vue plus nuancé, quels auteurs vous semblent avoir défendu le point de vue le plus juste, au XVIIème siècle, dans cette querelle ? Justifiez-vous »

  • Apport spécifique des TICE :

- Les élèves ont pu, à travers leurs recherches internet sur des querelles actuelles, se rendre compte que ce type d’argumentation n’était pas dépassé aujourd’hui. Ces recherches préalables ont servi à faire entrer les élèves plus facilement dans la séquence.
-L’utilisation de Facebook a rapproché les élèves des auteurs du XVIIème siècle, et a facilité l’appropriation de leur langage.


Déroulement :

Séance d’introduction (2h)

On écrit au tableau un inventaire de querelles actuelles entre des « Anciens », partisans d’une tradition et des « Modernes », qui soutiennent une évolution, dans différents domaines que trouvent spontanément les élèves. Nous remarquons avec eux que, dans certains cas, comme pour la question de la libre circulation des armes aux Etats-Unis, il est évident pour tous les élèves de la classe que le camp des « Anciens » a tort, alors que pour d’autres débats, comme le clonage humain, ils s’accordent pour donner tort au camp qui prône l’évolution. On peut ainsi en conclure que le camp apparemment « Moderne » n’a pas forcément toujours raison.
Par groupes, les élèves choisissent un sujet parmi ceux qu’ils ont trouvés et qui figurent au tableau, et ils cherchent en salle informatique, sur internet, deux articles, de préférence contradictoires, sur le sujet choisi. Ils écrivent ensuite un bilan de ces deux articles dans un tableau comparatif de synthèse, ainsi que leur propre article sur le sujet. Le travail est fini à la maison si le cours est trop court. On leur donne une fiche technique sur la rédaction d’un article de presse pour les aider dans la rédaction de ce travail.

Lectures de textes (4h)

Le groupement de textes du manuel Passeurs de textes (Le Robert Weblettres, p.200-206) est intéressant ; il réunit quatre acteurs principaux de la Querelle des Anciens et des Modernes : La Bruyère, Boileau, Perrault, La Fontaine. La lecture cursive de ces textes en classe permettra de les balayer avec un objectif d’histoire littéraire. On distribue aux élèves un tableau de synthèse du groupement qu’ils rempliront au fur et à mesure de leur étude. (Voir pièce jointe n°1)

Un des buts de ce tableau est de faire repérer aux élèves dans chaque texte des phrases-clés, qui leur semblent révélatrices des idées des différents auteurs, et qu’ils pourront ultérieurement apprendre en vue de la réalisation de la dissertation prévue en fin de séquence. Différents élèves font des propositions pour les phrases à retenir et nous débattons ensemble des meilleurs choix à la fin de chaque séance, ce qui est l’occasion de s’interroger sur l’art de la formule réussie. Un autre objectif est de préparer la séance sur Facebook qui suit puisque les élèves devront s’inspirer de ces textes pour écrire (forme comme fond)… Nous repérons notamment les parallélismes, les antithèses, les images employées, afin que les lycéens s’imprègnent au mieux du style de ces auteurs pour pouvoir ensuite les imiter. La thèse et les arguments de chacun sont identifiés avec précision.

Transposition de la querelle sur Facebook : (1h par ½ classe)

En salle informatique, nous nous connectons sur Facebook. La demi-classe forme quatre groupes différents. Je distribue à chacun d’entre eux l’identifiant et le code d’un compte que j’ai créé pour chaque auteur étudié : La Fontaine, Boileau, Perrault et La Bruyère. Dans un premier temps, les élèves complètent le profil de l’auteur : images (portrait, couverture du « journal »), données biographiques… Les recherches sur les auteurs, ont été faites, pour une part, à l’avance, et pour le reste, au moment de l’écriture, notamment le choix des images. Puis les élèves font dialoguer les auteurs entre eux : la consigne est de ne surtout pas sombrer dans les anachronismes au niveau de l’expression et de respecter au maximum l’élégance de la langue classique, telles qu’ils l’ont perçue dans l’étude préalable des textes en classe. Le but est de transposer, sous forme dialoguée, la Querelle étudiée en cours. L’utilisation du réseau social facilite ici beaucoup le passage à l’écrit. Voici un exemple du résultat obtenu :

Les auteurs se mettent à dialoguer entre eux en temps réel, et on s’aperçoit que les élèves réinvestissent non seulement les arguments des différents textes, mais aussi les figures de style identifiées en classe. Le résultat est vraiment le fruit d’un travail collectif de la classe.

Le travail sur Facebook n’est pas une fin en soi, puisque les élèves ont une dissertation (guidée) à réaliser en classe ensuite, sur le même thème. Pour diversifier leurs exemples, je leur distribue une fiche avec de courts extraits de textes d’autres auteurs intervenant dans cette querelle, ce qui leur montre également que les participants à cette célèbre polémique du XVIIème siècle sont nombreux. (Document 2) Ils doivent faire des repérages sur ces textes complémentaires à la maison. La sélection de ces textes complémentaires s’est faite à l’aide du livre de Marc Fumaroli La Querelle des Anciens et des Modernes (Folio).

Evaluation

Enfin, l’évaluation finale (2h) se fait sous forme de dissertation guidée (cf document n°3). Un peu plus tôt dans l’année nous avions étudié les méthodes de la dissertation. 
Les élèves devaient apprendre des arguments et des exemples tirés du groupement étudié en classe, à l’aide de la fiche de synthèse. Ils peuvent apporter avec eux la fiche n°2 qui leur fournit quelques autres exemples, notamment avec des points de vue assez nuancés.

Bilan de cette séquence

Je pensais qu’il serait difficile de faire travailler les élèves sur le sujet de la querelle des Anciens et des Modernes. Il est vrai que l’étude préalable des textes du manuel, menée de façon assez traditionnelle, sous forme de cours dialogués, a arraché quelques soupirs las à certains élèves, même si le groupement proposé ne présentait pas de difficulté.
Mais la séance sur Facebook fut réellement exceptionnelle. Je peux nuancer toutefois le comportement des deux groupes de travail. Le premier, plus faible, a été assez lent : le choix des photos des auteurs, par exemple, a pris beaucoup de temps, les renseignements biographiques également. Mais les élèves étaient contents de ce qu’ils avaient réalisé, même si moi-même, j’avais espéré davantage. Le second groupe, en revanche, fut réellement immergé dans la querelle, dès le départ : je n’ai jamais connu auparavant une telle concentration motivée, avec des petits cris de joie, manifestations d’un plaisir collectif qui ne laissait personne de côté. La qualité des échanges le prouve : les élèves ont cherché les traits d’esprit. Nous avions remonté le temps et un petit air du XVIIème siècle s’était introduit dans notre classe, au milieu des tours de notre banlieue.
Quand la sonnerie a retenti, de toute ma vie de professeur, je n’ai jamais eu autant de mal à faire sortir des élèves d’une salle. Et quand on pense que le sujet était tout de même celui de la Querelle des Anciens et des Modernes, cela me semble encore complètement merveilleux ! Le réseau social a permis un travail du groupe en osmose, ainsi qu’un rapprochement instantané des auteurs classiques, ressuscités pour un moment.
L’évaluation finale, sous forme de dissertation guidée, fut globalement une réussite, pour une classe hétérogène. Une partie des élèves, les plus en difficulté, ont pu garder en mémoire (et je pense que c’est en partie dû au travail sur Facebook), certaines caractéristiques essentielles de nos auteurs. Il n’y a pas eu d’erreurs par exemple sur leurs camps respectifs : qui était « Ancien », qui était « Moderne » semblait une évidence pour chacun.
L’importance renouvelée de l’histoire littéraire dans les nouveaux programmes de seconde peut parfois sembler aux yeux des professeurs une difficulté pédagogique supplémentaire : il me semble que cette séquence montre combien, avec les TICE, on peut pourtant espérer tirer de ces sujets a priori difficiles un vrai plaisir pour les élèves.

 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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