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L’édition numérique d’une œuvre par la classe : un projet d’appropriation collective

13 / 05 / 2018 | le GREID Lettres

Synthèse de trois projets pédagogiques :
- « Louise Labé et nous » : http://www.scribaepub.it/reader/read/5336
- « L’aigle du casque » de Victor Hugo : http://www.scribaepub.it/reader/read/13996
- la préface des Voyages de Milord Céton de Marie-Anne Robert : http://www.scribaepub.it/play.html?ebook=14845

Niveau(x) : seconde et première, projets transposables au collège

Durée : trois semaines en moyenne

Objectifs :

  • Instaurer un enjeu créatif collectif motivant à l’échelle de la classe lié à la lecture des œuvres littéraires.
  • Eclaircir le sens explicite des œuvres, à travers l’écriture de petites synthèses, l’explication du vocabulaire, la création de quiz.
  • Travailler « la concrétisation imageante » des textes en recherchant des images et des musiques
  • Exprimer et partager une réaction sensible face aux textes en la justifiant.
  • Fabriquer un outil de révision en vue d’une évaluation ou du bac
  • Apprendre à travailler en groupe
  • Dans le cas du texte de Marie-Anne Robert : ressusciter une autrice oubliée
  • Savoir faire la synthèse de recherches documentaires dans le cas du projet « Louise Labé et nous »
  • Choisir collectivement les textes des lectures analytiques, dans le cas du projet « Louise Labé et nous ».

Supports :

  • Les sonnets de Louise Labé
  • Les Voyages de Milord Céton de Marie-Anne Robert (Sur Gallica)
  • « L’aigle du casque », tiré de La Légende des Siècles de Victor Hugo (sur Wikisource)

Outils numériques :

  • Padlet
  • Le site « Scriba epub » qui permet de fabriquer des livres numériques au format epub.
  • Le site Gallica, qui permet de passer des éditions en ligne au copier-coller des textes ;

Démarches et activités :

  • Division de l’œuvre par le professeur en différentes sections, attribuées à des groupes de travail (de 2 à 3 élèves)
  • Travail de groupes en salle informatique d’après des consignes (variables selon le projet) fixées par le professeur : retranscription du texte, définition des mots de vocabulaire difficiles, synthèse de quelques lignes, fabrication d’un quiz, recherche d’illustrations. Le tout est déposé sur Padlet.
  • Mise en commun, correction et publication des travaux déposés par les élèves, effectuée par le professeur. On passe du brouillon sur Padlet au propre sur Scriba Epub.
  • Moment de partage de ce travail : vote pour les textes à étudier en classe dans le cas du projet « Louise Labé et nous », préparation d’une évaluation de commentaire de texte pour « L’aigle du casque », partage avec une classe de Gap et sur le site de Gallica pour le projet autour de Marie-Anne Robert.

Apport spécifique du numérique :
-Facilitation du travail collaboratif
-Accès à l’édition augmentée (musique, images, liens hypertextes, interactivité des quiz)
-Partage des œuvres réalisées dans la classe et en dehors de la classe
-Support esthétique et matérialisation plus aisée des réalisations

Description détaillée des projets

Louise Labé et nous

  1. Contexte du projet

Dans une classe de première L, la problématique annuelle de la classe est « quel est le pouvoir des mots ? » et au deuxième semestre, cette problématique se décline plus spécialement autour de la question : « Quel est le pouvoir des mots pour dire l’amour ? ». Nous avons étudié des scènes de déclaration d’amour et de rupture au théâtre, et nous abordons ensuite le recueil des sonnets de Louise Labé.
Le problème de la lecture de ce recueil se pose assez vite dans mon esprit : la classe est très hétérogène et je veux entraîner de mon mieux les élèves qui sont les plus en difficulté.
Il m’apparaît assez vite qu’il y a à peu près autant de sonnets que d’élèves dans la classe, et j’ai l’idée que chacun en prenne un en charge pour en expliquer le sens, et publier son travail dans un petit livre numérique. Ainsi les lycéens pourront voter pour le poème qu’ils préfèrent, après avoir fait l’éloge ou la critique de celui qu’ils ont eu à éditer dans le recueil, et ainsi les élèves détermineraient eux-mêmes les textes qu’ils souhaitent étudier en lecture analytique.

  1. Grandes étapes du travail

Un des buts de l’activité était aussi de faire fabriquer à la classe son propre outil de révision en vue du baccalauréat. On attend des élèves un certain nombre de connaissances autour de Louise Labé, de la poésie du seizième siècle, de la versification en général… Dans un premier temps, je propose donc aux élèves, qui travaillent par groupes, un certain nombre de sujets d’exposés, qui constitueront une première partie documentaire du livre collectif :

  • La biographie de Louise Labé
  • La Pléiade
  • Les poètes Lyonnais au XVIème siècle
  • Le sonnet et son histoire
  • Le vocabulaire de la versification
  • Le Baroque
  • Les femmes de lettres au XVIème siècle

Toutes ces questions me semblent pouvoir faire l’objet de questions éventuelles lors de l’entretien de l’oral du bac, et ces recherches effectuées en classe par les élèves (sous ma direction, surtout quand ils se semblent se perdre) constituent un socle d’histoire et de culture littéraire assez solide avant d’aborder le recueil. Les réalisations des élèves sont présentées à l’ensemble de la classe, sous forme d’exposé oral évalué, avant d’être compilées sur un Padlet.

Dans une seconde étape, les élèves se voient attribuer chacun un sonnet. Ils doivent éventuellement moderniser la langue, déjà un peu actualisée dans la version du texte en ligne que je leur propose, pour ne pas les décourager. Puis les lycéens doivent proposer des définitions des mots difficiles, une illustration du poème, (si possible une photo libre de droits ou bien un photomontage de leur fabrication), une brève synthèse de ce qu’ils ont compris du texte et leurs impressions personnelles de lecture. L’idée est que chaque élève s’approprie son texte, en restant libre de l’apprécier ou non. A la fin de la séance d’une heure, chacun dépose son travail sur un Padlet qui sert de brouillon. Les élèves ont pour consigne de lire les pages de leurs camarades pour la semaine suivante.

Puis, à l’oral, toujours dans la salle informatique, chacun dit aux autres, qui peuvent relire au fur à mesure les différents poèmes, s’il pense que son poème est un bon choix pour une lecture analytique collective, en se justifiant, avant que la classe ne procède à un vote. Et c’est assez amusant de constater que les lycéens n’ont pas élu l’un des plus célèbres des poèmes de Louise Labé en premier choix, mais le moins désespéré, le sonnet 7, celui qui contenait l’espoir d’un rendez-vous avec l’être aimé : « On voit mourir toute chose animée ». L’autre lecture analytique sera le célèbre « Je vis, je meurs ». Le sonnet 7 fera l’objet d’un travail écrit par groupes, et le commentaire de texte obtenu sera ajouté au livre collectif : http://www.scribaepub.it/play.html?ebook=5336&asset=55561690

La dernière étape de ce livre numérique sera pour les élèves la rédaction d’un devoir d’invention ou la confection d’une illustration originale. Nous avons également ajouté ces œuvres au recueil en ligne, avec par exemple une lettre imaginaire écrite par Olivier de Magny à Louise Labé ou des poèmes à la manière de la poétesse. http://www.scribaepub.it/play.html?ebook=5336&asset=55561206

Frisson de l’inconnu !
Dépaysement total !
Pour Louise Labé, mon coeur
S’est emballé d’un amour anormal

A jamais marqué, vivant
A jamais troublé, mourant
Je me noie dans vos sonnets
Et me brûle dans vos rimes

Je fuirai la ville et tous les lieux
Pour une tirade de vous
Je pourrai voir mourir toute chose animée
Pour une nouvelle oeuvre de vous

Vous, Soleil honoré
Compagnon de ma calamité
Tant que mes yeux pourront larmes épandre
Je ne vous oublierai jamais

(poème de Théo et dessin de Katia)

illustration

Tout le travail confectionné au fil de cette séquence reste fixé sur le livre numérique, qu’on laisse sur le blog de classe, et reste disponible pour réviser l’oral du bac. Le fait d’avoir proposé à certains élèves de dessiner permet au passage de raccrocher au travail quelques lycéens en difficultés qui se sont trouvés revalorisés.

« L’aigle du casque » de Victor Hugo en seconde

  1. Le contexte de travail

Avec cette classe, la problématique annuelle est consacrée à la recherche de la beauté. De la Toussaint à Noël, nous nous concentrons sur le romantisme avec notamment un groupement de textes sur les monstres romantiques. La problématique de cette séquence décline ainsi la problématique annuelle : « un monstre peut-il être beau ? » et dans le fil de ce groupement de textes, nous étudions « L’aigle du casque », un long poème de Victor Hugo, extrait de la Légende des Siècles dont je prends le texte sur Wikisource : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Aigle_du_casque
Je voulais leur faire lire une œuvre poétique écrite par un poème romantique et comme celle-ci me semble assez originale, mais non disponible de façon isolée en version papier, nous allons fabriquer nous-mêmes notre petit recueil.

  1. Les grandes étapes de la séquence

J’ai partagé le poème en trois parties, pour les trois semaines de travail prévues. Je commence par leur donner le texte photocopié afin qu’ils aient l’ensemble du poème, et je leur lis à voix haute un tiers du poème pour commencer chacune des semaines. Nous parlons ensuite brièvement ensemble du sens général du texte, car il n’est pas évident pour tous.

Ensuite, en salle informatique, les élèves, par groupes de trois, travaillent sur un cinquième de l’extrait lu en classe : il y a dix groupes dans la classe, deux groupes travaillent à chaque fois sur le même extrait. J’ai mis sur un Padlet les extraits à travailler et les consignes : il faut donner une définition des mots difficiles, trouver une illustration de l’extrait, faire un petit résumé de la page et donner ses impressions de lecture.

Puis les élèves doivent aller sur le site QUIZBEAN pour fabriquer un court quiz de compréhension sur leur extrait. Je leur explique que nous allons essayer de trouver une classe de collégiens qui pourraient lire le résultat de notre travail et faire les quiz. L’avantage de QUIZBEAN – par rapport à la multitude de quiz en ligne qui existent- est de donner un lien direct avec le quiz fabriqué sans avoir besoin d’identifiant ou de code. Voici l’adresse pour créer un quiz : http://www.quizbean.com/%23/new-quiz Enfin, plusieurs sites permettant de partager de la musique libre de droits sont proposés à la classe, comme https://www.auboutdufil.com/ ou https://www.youtube.com/audiolibrary/music Ce sont des sites qui proposent des musiques d’ambiance et il est intéressant d’associer une atmosphère à chaque extrait. Pour les images, je conseille l’utilisation de https://pixabay.com/fr/ qui est un site d’images libres de droits. C’est aussi l’occasion de rappeler aux élèves le bon usage des droits liés aux images ou à la musique.
Les élèves déposent ensuite chaque semaine leurs réalisations sur un Padlet qui sert de brouillon à notre travail éditorial :

J’évalue et corrige le travail des élèves grâce à une grille de notation :

Musique
image
/3
Vocabulaire

/3

Résumé

/4

Quiz

/4

Commentaire
Personnel
/3
Orthographe

/2

Mise en page
/1
             

Total : /20
Appréciation :


Ensuite je reporte les travaux corrigés dans le logiciel en ligne Scriba epub, qui permet de transformer le travail collaboratif en livre numérique au format epub. C’est moi-même, pour une fois, qui ai réalisé le dessin de couverture. Finalement, j’aime bien dessiner et ça me plaisait de participer de cette façon au travail collectif de la classe ! Voici le lien avec l’œuvre obtenue : http://www.scribaepub.it/reader/read/13996

La dernière étape du travail consiste à demander à la classe de réviser « L’aigle du casque » en faisant les petits quiz de leurs camarades et en relisant les textes expliqués en vue du commentaire guidé d’un extrait en classe, car nous nous entraînons parallèlement aux méthodes du commentaire à l’écrit… Cette étape est essentielle, car si les élèves ne reviennent pas sur la réalisation collective, le sens de celle-ci n’apparaît pas à la classe.
L’extrait expliqué par les élèves sera un extrait de la course-poursuite ultime. Ce devoir est entièrement guidé, puis corrigé en classe. C’est l’évaluation finale de la séquence en deux heures.

La préface des Voyages de Milord Céton dans les sept planètes

  1. Le contexte du projet

C’est sur Twitter que j’ai découvert l’œuvre de Marie-Anne Robert, une écrivaine du XVIIIème siècle, grâce à une collègue de Gap, Célia Guerrieri. Celle-ci, après la pétition concernant la place des femmes dans les programmes de terminale, avait eu une conversation avec une amie anglaise, qui lui avait déclaré : « Oui, mais vous, en France, quand même, vous avez Marie-Anne Robert, au XVIIIème siècle. Elle a inventé la science-fiction. » Apparemment, en Grande-Bretagne, c’est ainsi que Marie-Anne Robert est présentée à l’université. Comment se fait-il qu’en France, elle nous soit inconnue ? Nous avons décidé de regarder de plus près son œuvre, qui nous a grandement séduites, afin de la tirer de l’oubli. C’est ainsi que j’ai pu présenter le projet aux élèves comme une gageure : nous allions ressusciter une autrice injustement oubliée ! Quelle mission passionnante ! En parlant du projet sur les réseaux sociaux, le site Gallica, où nous avons trouvé le roman, nous a proposé une collaboration, nous permettant de mettre en avant notre projet le 8 mars, journée de la femme sur leur blog et sur les réseaux sociaux.
Avec cette classe de seconde, en amont, nous avons travaillé sur un groupement de textes sur le thème des femmes au XVIIIème siècle, et sur Les Lumières en général, à travers une série d’exposés. Le texte de Marie-Anne n’est donc pas leur premier contact avec le XVIIIème siècle.

  1. Les grandes étapes

Sur un Padlet je dépose le lien avec le livre de Marie-Anne Robert sur Gallica, calé sur la préface, que j’ai décidé de faire transcrire en français moderne à mes élèves : http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k818002/f13.image
J’y joins des consignes :
« Lisez entièrement la préface sur le site de Gallica. Par groupe, demandez-moi quelle page de la préface vous devez prendre en charge. En appuyant sur le symbole "page" du côté gauche, vous voyez apparaître un T, qui permet de copier-coller le texte dans son orthographe ancienne. Je vous demande de copier-coller votre page dans word, de la corriger pour la transformer en français moderne. Ensuite, créez des notes de bas de page pour expliquer les mots compliqués. Puis faites un petit commentaire personnel pour essayer de mettre en valeur ce qui est intéressant dans votre partie de récit. Enfin, vous pouvez ajouter une illustration à condition qu’elle soit personnelle ou libre de droits. »

Les élèves réalisent ce travail en deux séances d’une heure (ou moins pour les élèves les plus rapides) et déposent le résultat sur le Padlet. Puis, à la demande du site Gallica, qui leur propose de devenir Communauty-managers d’une journée le 8 mars, ils inventent des tweets qui mettent en relation une femme du XVIIIème siècle et une page sur Gallica.
L’activité dans Gallica leur plaît spécialement, car ils ont l’impression de devenir de vrais paléographes (même si la modernisation du texte n’a rien de compliqué) et il y a quelque-chose d’émouvant à l’idée d’exhumer un texte oublié aussi vivant et étonnant. La touche « T » qui permet d’exporter le texte du vieux livre dans un document word grâce à la reconnaissance automatique de caractères facilite beaucoup la tâche des élèves, et c’est un instrument de travail formidable.
http://www.scribaepub.it/play.html?ebook=14845



CONCLUSION

Les trois projets sont proches, et ils ont été à chaque fois très concluants, parce qu’en unissant leurs efforts, les élèves parviennent à s’approprier collectivement l’œuvre étudiée et à la partager avec autrui. La dimension éditoriale, par son aspect créatif, met les élèves en activité, même les plus fragiles, qui ne trouvent pas compliqué le fait de chercher des illustrations ou des définitions de mots compliqués. On valorise ainsi le travail de chacun et le cours de français a un sens concret plus évident : il s’agit de fabriquer ensemble un livre, de le donner à lire à autrui, ou de fabriquer son propre outil de révision. L’idée d’ajouter des musiques me semble vraiment pleine de perspectives, car ce travail sur l’atmosphère de lecture permet en réalité une analyse des registres. Selon les projets, nous pouvons ajouter des éléments documentaires au livre fabriqué, des commentaires plus ou moins élaborés. Les possibilités de ce type d’activité sont infinies. Pour le projet concernant Marie-Anne Robert, nous avons même l’ambition un peu folle de changer le cours de l’histoire littéraire !

 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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