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Objet d’étude : l’éloge et le blâme (2nde)

20 / 06 / 2007 | le GREID Lettres

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par Bernard Martial, professeur au lycée Langevin Wallon
de Champigny-sur-Marne (94)

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Textes

Texte 1 : La Curée , Emile Zola (1871)

Après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, l’ambitieux Aristide Rougon s’installe à Paris. Sa sœur Sidonie, louche entremetteuse, l’aide à progresser dans les affaires en lui faisant épouser Renée, fille du riche Béraud du Châtel, tandis que sa femme Angèle se meurt dans son lit. Renée avec son mari assiste à un bal aux Tuileries et elle rencontre l’empereur Napoléon III.

Quand elle fut dans les salons et que son mari l’eut quittée pour le baron Gouraud, elle éprouva un moment d’embarras. Mais les glaces, où elle se voyait adorable, la rassurèrent vite, et elle s’habituait à l’air chaud, au murmure des voix, à cette cohue d’habits noirs et d’épaules blanches, lorsque l’empereur parut. Il traversait lentement le salon, au bras d’un général gros et court, qui soufflait comme s’il avait eu une digestion difficile. Les épaules se rangèrent sur deux haies, tandis que les habits noirs reculèrent d’un pas, instinctivement d’un air discret. Renée se trouva poussée au bout de la file des épaules, près de la seconde porte, celle que l’empereur gagnait d’un pas pénible et vacillant. Elle le vit ainsi venir à elle, d’une porte à l’autre.

Il était en habit, avec l’écharpe rouge du grand cordon, Renée, reprise par l’émotion, distinguait mal, et cette tache saignante lui semblait éclabousser toute la poitrine du prince. Elle le trouva petit, les jambes trop courtes, les reins flottants ; mais elle était ravie, et elle le voyait beau, avec son visage blême, sa paupière lourde et plombée qui retombait sur son œil mort. Sous les moustaches, sa bouche s’ouvrait, mollement, tandis que son nez seul restait osseux dans toute sa face dissoute.

L’empereur et le vieux général continuaient à avancer à petits pas, paraissant se soutenir, alanguis, vaguement souriants. Ils regardaient les dames inclinées, et leurs coups d’œil, jetés à droite et à gauche, glissaient dans les corsages. Le général se penchait, disait un mot au maître, lui serrait le bras d’un air de joyeux compagnon. Et l’empereur, mou et voilé, plus terne encore que de coutume, approchait toujours de sa marche traînante.

Ils étaient au milieu du salon, lorsque Renée sentit leurs regards se fixer sur elle. Le général la regardait avec des yeux ronds, tandis que l’empereur, levant à demi les paupières, avait des lueurs dans l’hésitation grise de ses yeux brouillés. Renée, décontenancée, baissa la tête, s’inclina, ne vit plus que les rosaces du tapis. Mais elle suivait leur ombre, elle comprit qu’ils s’arrêtaient quelques secondes devant elle. Et elle crut entendre l’empereur, ce rêveur équivoque, qui murmurait en la regardant, enfoncée dans sa jupe de mousseline striée de velours :

- Voyez donc, général, une fleur à cueillir, un mystérieux œillet panaché blanc et noir.

Et le général répondit d’une voix plus brutale :

- Sire, cet œillet-là irait diantrement bien à nos boutonnières.

Renée leva la tête. L’apparition avait disparu, un flot de foule encombrait la porte. Depuis cette soirée, elle revint souvent aux Tuileries, elle eut même l’honneur d’être complimentée à voix haute par sa Majesté, et de devenir un peu son amie ; mais elle se rappela toujours la marche lente et alourdie du prince au milieu du salon, entre les deux rangées d’épaules ; et, quand elle goûtait quelque joie nouvelle dans la fortune grandissante de son mari, elle revoyait l’empereur dominant les gorges inclinées, venant à elle, la comparant à un œillet que le vieux général conseillait de mettre à sa boutonnière. C’était, pour elle, la note aiguë de sa vie.

Emile Zola (1840-1902), La curée

 

Texte 2 : Napoléon le petit, Victor Hugo (1852)

Hugo a pris part à la résistance parisienne au coup d’Etat du 2 décembre 1851 qui a ouvert la voie au rétablissement de l’Empire. Expulsé du territoire français, il entreprend l’écriture de Napoléon le petit, violent pamphlet qui dresse un portrait charge de Napoléon III, médiocre copie du premier empereur.

Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent, qui a l’air de n’être pas tout à fait réveillé. Il a publié, nous l’avons rappelé déjà, un Traité assez estimé sur l’artillerie, et connaît à fond la manœuvre du canon. Il monte bien à cheval. Sa parole traîne avec un léger accent allemand.

Si on le juge en dehors de ce qu’il appelle « ses actes nécessaires » ou « ses grands actes », c’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain. Les personnes invitées chez lui, l’été, à Saint-Cloud, reçoivent, en même temps que l’invitation, l’ordre d’apporter une toilette du matin et une toilette du soir. Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes et les passequilles, les grands mots, les grands titres, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. En sa qualité de parent de la bataille d’Austerlitz, il s’habille en général.

Peu lui importe d’être méprisé. Il se contente de la figure du respect.

Cet homme ternirait le second plan de l’histoire, il souille le premier. L’Europe riait de l’autre continent en regardant Haïti quand elle a vu apparaître ce Soulouque blanc. Il y a maintenant en Europe, au fond de toutes les intelligences, même à l’étranger, uns stupeur profonde, et comme le sentiment d’un affront personnel ; car le continent européen, qu’il le veuille ou non, est solidaire de la France, et ce qui abaisse la France humilie l’Europe.

Avant le 2 décembre, les chefs de la droite disaient volontiers de Louis Bonaparte : C’est un idiot. Ils se trompaient. Certes, ce cerveau est trouble, ce cerveau a des lacunes, mais on peut y déchiffrer par endroits plusieurs pensées de suite et suffisamment enchaînées. C’est un livre où il y a des pages arrachées. Louis Bonaparte a une idée fixe, mais une idée fixe n’est pas l’idiotisme. Il sait ce qu’il veut, et il y va. A travers la justice, à travers la loi, à travers la raison, à travers l’honnêteté, à travers l’humanité, soit, mais il y va.

Victor Hugo (1802-1885), Napoléon le Petit, I, VI.

 

Texte 3 : Napoléon III, Georges Bordonove (1998)

Cet extrait, qui est toujours sous droit d’auteur, ne peut être reproduit ici.

  • Texte figurant en quatrième de couverture de l’ouvrage

  • Portrait de Napoléon III brossé par l’auteur dans cet ouvrage

 

DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES

  • Caricature de « Napoléon en vautour », La Ménagerie impériale, 1871 ;

  • « Napoléon remettant au baron Haussmann le décret d’annexion des communes limitrophes », Adolphe Yvon, 1865.

  • Caricature de Daumier, « Paquebot napoléonien » parue dans le journal Le Charivari (2 décembre 1848) : Louis-Napoléon est dans le bicorne de Napoléon Ier, tiré par l’aigle impérial, symbole du Premier Empire.

  • « Napoléon III, Empereur des Français », 4 septembre 1869, pour la collection Vanity Fair Prints (il a revêtu les habits traditionnels de Napoléon Ier).

  • « Caricature de Napoléon III » par Charles-Louis Frondat, 1863 (le surnom de Badinguet donné à Napoléon III vient de l’ouvrier qui lui avait prêté ses habits lorsqu’il s’évada du fort de Ham en 1846).

  • Portrait équestre de Napoléon III par A. de Dreux, 1858.

 

 

Ecriture

A. PREMIERE PARTIE : QUESTIONS COMMUNES (8 points)

En vous appuyant sur les trois textes du corpus et sur les documents iconographiques, vous répondrez d’abord aux questions suivantes :

- 1°) Quels textes et documents donnent de l’empereur une image négative ? Quels arguments sont retenus ?

- 2°) Quels textes et documents donnent de l’empereur une image positive ? Quels arguments sont proposés ?

- 3°) Identifiez les genres et les registres utilisés dans les trois textes littéraires. Justifiez votre réponse.

Ne vous contentez pas pour répondre de recopier les extraits du texte ou d’étudier les textes un par un. Chaque réponse doit être structurée et argumentée selon un plan thématique et non une étude linéaire.

 

B. DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL D’ECRITURE (12 points)

Vous traiterez au choix l’un des trois sujets suivants :

1. COMMENTAIRE DU TEXTE 1

Vous commenterez le texte de Emile Zola, La Curée, en vous inspirant du parcours de lecture suivant :

- Une scène de bal aux Tuileries

- Le portrait de l’empereur

- Les impressions de Renée

 

2. DISSERTATION

« Où les historiens s’arrêtent, ne sachant plus rien, les poètes apparaissent et devinent. Ils voient encore, quand les historiens ne voient plus. C’est l’imagination des poètes qui perce l’épaisseur de la tapisserie historique ou qui la retourne pour regarder ce qui est derrière » Barbey d’Aurevilly, Une histoire sans nom.

Partagez-vous l’avis de Barbey d’Aurevilly selon lequel les écrivains comprennent et représentent mieux l’histoire que les historiens ?

 

3. INVENTION

Imaginez le dialogue entre deux personnes qui ne partagent pas le même avis sur Napoléon III. Le premier trouve que l’Histoire a été injuste avec lui et le second se rallie plutôt à l’avis de Victor Hugo.

 

 

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