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L’art d’utiliser les explications en ligne pour faire la sienne à l’oral : Olympe de Gouges sur Internet, un support d’inspiration et de création

30 / 08 / 2022 | le GREID Lettres


par Françoise Cahen, professeure au lycée Maximilien Perret à Alfortville.


Niveau(x) : Première

Durée : Quatre heures environ

Objectifs :
  • Apprendre aux élèves à utiliser de manière constructive les ressources en ligne sur les œuvres au programme : éviter le plagiat, apprendre à juger et à comparer les contenus disponibles.
  • Réaliser des podcasts d’entraînement à l’oral du bac qui deviennent un support de révision

Supports  : L’exemple choisi s’applique à l’explication du Préambule de La déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne d’Olympe de Gouges, mais la démarche peut s’appliquer à toute autre explication d’un extrait du programme.

Outils numériques :

  • Différents sites Internet proposant des explications déjà faites de l’extrait que l’on envisage d’étudier.
  • Digipad pour rassembler les liens, les consignes, et les productions des élèves.
  • Balad’O, Vocaroo, ou Audacity pour les enregistrements.

Démarches et activités :

  • En classe, nous lisons le texte d’Olympe de Gouges que nous voulons étudier, et les élèves l’annotent personnellement. (1/2h), avec un premier bilan collectif oral de leurs observations.
  • Les élèves doivent déposer sur Digipad des liens avec des explications en ligne du texte que nous souhaitons étudier, pour la séance prochaine. (3 par élèves).
  • En salle informatique, nous sélectionnons 4 ou 5 des explications trouvées par les lycéens et lycéennes et nous leur demandons de les comparer et de les noter en utilisant la fonction commentaire des posts sur Digipad. On fait ensuite un bilan collectif de ces évaluations.
  • Dans un deuxième temps, les élèves, par groupes de deux ou trois, doivent réaliser un podcast d’explication linéaire, à partir des remarques les plus intéressantes qu’ils ont pu lire. Ils le déposent sur Digipad.
  • Ces podcasts sont évalués.


Apport spécifique du numérique :

  • Mutualisation des ressources en ligne sur le texte étudié.
  • Réflexion distanciée sur les supports d’apprentissage : apprendre à discerner les ressources intéressantes, en partant des pratiques spontanées des élèves, sélectionner les contenus pertinents, éviter le plagiat.
  • Entraînement à l’oral : les enregistrements permettent aux élèves les plus timides de contrôler ce qu’ils veulent qu’on entende d’eux.

Déroulement

Il se trouve que justement, La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne est la réécriture d’un texte. Nous avons une position assez singulière par rapport aux réécritures en tant qu’enseignant, et les élèves ont parfois du mal à avoir des repères clairs en la matière : avec les programmes de première sur des œuvres communes dans tout le pays, de nombreuses explications linéaires des extraits les plus souvent choisis sont disponibles sur Internet, mais s’ils les utilisent dans leurs devoirs, on leur en fait souvent le reproche, parce que par exemple, ils en font un simple copier-coller. En revanche, les élèves s’aperçoivent parfois aussi que leur professeur a utilisé lui-même des ressources en ligne pour le cours ou le corrigé du devoir, et dans ce cas, cela semble acceptable : une ambiguïté se crée donc et j’ai eu envie d’explorer ces questions un peu taboues pour en faire un vrai support d’apprentissage. Plus largement, le numérique fait une bonne place à la culture du « copier-coller » que l’univers scolaire a tendance à mal considérer. Il est évidemment nécessaire d’éduquer les élèves à l’évitement du plagiat, et d’encadrer ces pratiques culturelles du copier-coller qui ne sont pas toutes à condamner, notamment à travers la collecte de liens utiles à tous.
On peut à cet égard rappeler les propos de Louise Merzeau :
« À l’ère numérique, la copie ne change pas seulement d’échelle, mais aussi de portée stratégique et culturelle. La pratique du copier-coller doit en ce sens être réexaminée pour que soient d’abord distingués le plagiat – favorisé par la disponibilité des ressources et l’efficacité des moteurs de recherche – et les techniques de collecte et de montage – vecteurs d’une dynamique d’appropriation des biens culturels. La dimension technique de la copie doit ensuite être replacée au centre de la performativité numérique. Des diverses formes de copie transitoire, indispensables à la circulation des informations, à la duplication algorithmique des données, qui fait aujourd’hui la loi sur les réseaux, c’est toute l’économie de la publication qu’il faut repenser. Dans ce contexte, plutôt qu’un durcissement du copyright, c’est d’une défense d’un Internet public que nous avons besoin, afin d’endiguer la logique de silos que les grands acteurs du Web appliquent à la gestion du cloud. »
Louise Merzeau « Copie : modes d’emploi », Médium N°32-33, 2012


Les élèves qui ont recours au plagiat sont souvent les plus en difficulté, et le fait de les sanctionner par une mauvaise note – réponse classique apportée au plagiat – ne les empêche malheureusement pas de recommencer. Je sais aussi que si je donne une explication de texte à faire à la maison, le réflexe compréhensible de chacun sera de vérifier si elle n’existe pas déjà toute prête sur Internet. Les plus habiles maquilleront leurs emprunts. L’idée est donc de partir des pratiques effectives des élèves : avec cette recherche des supports déjà en ligne, pour accompagner les élèves dans l’usage qu’ils vont en faire. Comme le dit Annie Cordier dans Grandir connectés (C&F Editions, p. 278) : « Pour modifier des pratiques insatisfaisantes, il convient de les connaître, de s’appuyer sur ces pratiques pour pouvoir accéder ensuite à une nouvelle structuration cognitive et pratique.(…) Les pratiques déployées par les adolescents sont porteuses de pistes pédagogiques riches, invitant à approfondir – et non pas à contredire systématiquement – la démarche engagée ».
Pour que les élèves aient tout d’abord un rapport personnel au texte, on le lit en classe de manière classique et ils l’annotent pendant un moment avant une mise en commun des remarques. Le tout ne prend pas plus d’une demi-heure.
Pour la séance prochaine, ils doivent m’envoyer chacun trois liens Internet avec des explications en ligne de cet extrait pour la prochaine séance. Cela les oblige déjà à ne pas s’arrêter au premier site venu. Parmi les liens reçus, j’en sélectionne 4 (je ne conseille pas d’en proposer plus de 5 en tout cas), que je mets sur un Digipad ou une autre page collaborative du même type, avec les consignes.

Pad des lectures linéaires


Les consignes sont les suivantes :

 Parcourir les quatre explications que l’on trouve, déjà faites, en ligne et les noter avec des étoiles selon la qualité que vous leur prêtez. Écrivez en commentaire une petite appréciation qui justifie votre note.

 Enregistrez votre commentaire oral par groupes de deux ou trois élèves en mélangeant des données issues de vos propres annotations faites en cours, et des commentaires en ligne que vous préférez. Postez l’enregistrement sur le pad.


L’idée est donc à la fois d’apprendre aux élèves à multiplier les sources lorsqu’ils se documentent, et à évaluer les contenus qu’ils trouvent en ligne.


L’idée est donc à la fois d’apprendre aux élèves à multiplier les sources lorsqu’ils se documentent, et à évaluer les contenus qu’ils trouvent en ligne.

Pad des lectures linéaires 2


Je m’aperçois que le recul critique des élèves sur les contenus en ligne n’est pas évident : la plupart des remarques porte sur le fait que les commentaires disponibles sont soit trop courts, soit trop longs, trop peu synthétiques, trop rédigés ou pas assez. Il est plus difficile pour les élèves d’avoir un point de vue sur la qualité des remarques. Il est vrai qu’aucune des explications sélectionnées n’est vraiment mauvaise : on aurait pu imaginer le même exercice avec une source de très mauvaise qualité pour que leur compétence de discrimination soit plus évidente à exercer.
Les élèves évaluent les explications selon leurs sensibilités : certains vont trouver qu’un contenu tabulaire synthétique sera plus clair, les aidera davantage, tandis que d’autres apprécient les explications les plus développées, qui permettent d’aller dans les détails plus subtils.


Ensuite, il s’agit pour les élèves d’enregistrer leur propre explication par groupes de deux ou trois élèves. Il est possible de leur distribuer un canevas, pour la structure, notamment s’ils sont encore inexpérimentés dans la pratique du commentaire linéaire, et des patrons syntaxiques pour ceux qui sont le moins à l’aise à l’oral. En classe, ils tracent les grandes lignes d’un brouillon de leur projet oral : il leur est interdit de rédiger des phrases entières pour éviter une lecture trop monotone. Souvent ils se répartissent le travail en partageant le texte en plusieurs parties.
A cette occasion, nous reparlons de l’interdiction du plagiat, et chacun en propose sa définition, puis donne des conseils pour l’éviter : reformuler l’analyse proposée avec ses propres mots, mélanger différentes sources et ne pas se limiter à une d’entre elles, transformer l’analyse en allant plus loin et en ajoutant ses propres idées.
Je conseille de ne pas exiger des élèves des enregistrements de 10 minutes, car c’est long et dans la vraie vie, on parle plus lentement. Je laisse libres les lycéens et les lycéennes d’utiliser l’outil d’enregistrement qu’ils préfèrent, notamment sur leur téléphone, mais dans notre académie, nous avons la chance de pouvoir avoir recours dans l’ENT à Balad’O, qu’on peut leur conseiller. Ils finalisent les enregistrements chez eux.
Enfin les élèves collent leur enregistrement sur le Pad.

Pad des travaux des élèves


Je leur ai proposé le barème de l’évaluation de ce travail en amont de la création des enregistrements, ce qui les aide à en comprendre les attentes :

Critères d’évaluation




Je suis assez contente de cette manière de procéder, parce qu’elle a permis aux élèves de s’exercer très concrètement à l’explication, tout en concevant leur propre outil de révision. Nous écoutons quelques extraits des enregistrements obtenus en classe, mais toujours en demandant aux élèves concernés s’ils le veulent bien, car il n’est pas évident d’entendre sa propre voix résonner dans la salle. Cette manière de conduire la lecture linéaire n’est bien sûr qu’une variante possible de l’exercice, et il me semble enrichissant de la proposer de temps en temps. Les deux activités sont dissociables, évidemment. Il m’arrive bien sûr de proposer un travail de podcast sur un texte sans travailler préalablement sur des supports en ligne, et on peut tout à fait effectuer un travail sur des ressources en ligne sans faire d’enregistrements ensuite. Il me semble sain de ne pas faire comme si rien n’existait en ligne sur les œuvres au programme, alors que ce peut être un matériau assez riche : d’une part, c’est un support d’éducation aux médias puisqu’on peut réfléchir ensemble à la manière dont on les utilise, et d’autre part, c’est une aide diversifiée à l’analyse des textes, dont il serait dommage de se passer.

 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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