Des activités créatives autour de La Peau de Chagrin avec les TICE
vendredi 13 juin 2014
par F. Cahen , le GREID Lettres

Par Françoise Cahen, professeur au lycée M.Perret d’Alfortville

Niveau(x) : seconde, transposable à d’autres niveaux

Durée : 6 semaines, en parallèle avec un groupement de textes

Objectifs :

-relativiser la notion de réalisme

-rendre les élèves actifs dans leur approche de l’œuvre, stimuler leur créativité et le plaisir de la lecture.

Supports :

- La Peau de Chagrin de Balzac

- Des extraits de romans réalistes (comme la description de la casquette de Charles Bovary) et d’autres qui sont considérés comme ne l’étant pas (Les élèves ont lu auparavant L’écume des jours de Boris Vian) 

Outils TICE :

  • un blog de classe
  • des logiciels de traitement de l’image
  • un logiciel de diaporama
  • Prezi 
  • un exerciseur 

Démarches et activités :

- Les élèves, par groupes, effectuent sur le support de leur choix, numérique ou non, une série de travaux d’invention qui suivent la lecture progressive du roman.

- Nous mettons ces travaux sur le blog de la classe et nous les vidéo-projetons en classe afin que les élèves commentent ces réalisations.

- En marge de ce travail, nous effectuons des commentaires classiques de l’œuvre et nous réfléchissons à la notion de réalisme, en comparant ce roman à d’autres œuvres considérées comme réalistes –ce qui nous amènera à dessiner la casquette de Charles Bovary- ou inversement, à certaines qui sont considérées comme fantaisistes –comme L’Ecume des jours de BorisVian- pour relativiser cette notion.

- D’autres activités plus traditionnelles autour du roman, portant sur l’analyse de la focalisation et les modalités temporelles du récit, notamment à l’aide d’un exerciseur, tendent à renforcer les connaissances des élèves sur les techniques du récit. Elles donnent lieu à une évaluation en classe.

 

Apport spécifique des TICE :

-une valorisation très forte des travaux des élèves

-une stimulation par la créativité de la lecture d’une œuvre

-la valorisation des talents de chacun et une certaine différentiation pédagogique

-la communication vers l’extérieur de nos travaux : écrire pour les autres donne du sens au travail effectué

Présentation détaillée de la séquence

Nous présentons ici les trois aspects essentiels de la séquence : travaux créatifs des élèves, réflexion autour de la relativisation du réalisme, exercices autour de la focalisation et des modalités du récit. 

 Les travaux créatifs des élèves

Première série d’activités : de la page 60 à la page 106 : « fatalement retardée » (Autorisation de lire en diagonale ou de façon très rapide les pages 60 à 66 : description assez longue de la salle de jeu, et sauter les pages 76 à 88)

  1. Racontez l’épisode de la salle de jeu (p.66-69) en adoptant le point de vue du jeune homme, Raphaël. Vous adopterez, au choix, la forme d’un récit classique sur feuille, ou vous choisirez à votre convenance de faire un enregistrement sonore, un petit film, un diaporama ou encore une bande dessinée.)

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=69502

  1. Créez une publicité pour le magasin d’Antiquités dans lequel entre Raphaël (au choix : publicité écrite/ affiche/ enregistrement sonore ou vidéo)

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=68965

 

Deuxième série d’activités : lire de la page 106 à la page 148 (fin du chapitre) avec l’autorisation de sauter le dialogue de la page 120 à 130

  1. Rédigez le tract d’invitation à la fête donnée en l’honneur de la création du journal (sous forme écrite, ou imprimée, ou par envoi de fichier)

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=69503

  1. Un jury se réunit pour élire la « Reine » de la fête, et délibère pour savoir qui, entre Aquilina et Euphrasie, l’emportera (Reportez-vous aux pages 137 à 144). Ecrivez ou enregistrez le débat du jury, que vous imaginerez.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=69504

 

Troisième série d’activités, lire de la page 149 à la page 193 : « séduire Foedora ».

  1. Avant sa mort, le père de Raphaël fait venir son fils auprès de lui. Imaginez leur dialogue, qui fait le bilan de l’éducation qu’il a choisie pour son fils. (Dialogue au choix écrit, enregistré, filmé, ou sous forme de diaporama. Vous pouvez vous-même jouer les personnages ou les faire jouer par des figurines : poupées ou playmobils, ou encore détourner des photos de magazines …)

(Peu inspirés pour cette activité, les élèves ont tous présenté un travail sous forme « papier » classique !)

 

  1. Imaginez que Facebook ait existé au XIXème siècle et créez la « page de profil » de Pauline et de Foedora en trouvant leur photo de profil et de couverture, leurs goûts littéraires ou musicaux, leur devise, leurs liens de famille ou leurs amis, et même des publicités qui semblent faires pour elles dans la marge de droite. Le site « fakebook » peut vous aider.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=69871

 

Quatrième série d’activités : lire de la page 193 de « ce cœur de femme » à la page 229 « A cette pensée, j’eus froid »

  1. Imaginez un article de magazine féminin ou de « presse people » qui parle de Foedora et de son attitude avec les hommes.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=70120

  1. Présentez un fragment du journal intime de Pauline, qui raconte ce qu’elle perçoit de la vie de Raphaël et ses sentiments pour lui.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71573

 

Cinquième série d’activités : lire de la page 229 à la page 270, fin de la partie « La femme sans cœur »

  1. Foedora rencontre Rastignac quelques mois après sa rupture avec Raphaël, et ils ont une conversation à son sujet. Ecrivez ou enregistrez ce dialogue.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71051

  1. Après avoir obtenu, à la fin de l’orgie, l’héritage du major O’Flaharty, Raphaël garde le silence. Imaginez ses pensées. (Sous la forme de votre choix…)

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71058

 

Sixième série d’activités : FINIR le livre et répondre à ces questions.

Sur la partie de la page 271 à la page 327 : (choisir une des deux questions)

  1. Deux amis discutent du choix de vie de Raphaël : l’un soutient qu’il vaut mieux vivre longtemps en limitant ses désirs, et l’autre qu’il vaut mieux vivre peu mais en exauçant ses désirs. Imaginez leur dialogue.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71060

  1. Une revue mondaine ou une émission (radio ou télé) raconte la soirée au théâtre des Italiens des pages 285-294 et passe en revue les personnages les plus remarquables de l’assistance.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71143

Sur la partie de la page 328 à la fin du livre : (choisir une des deux questions)

  1. Reconstituez une des lettres que Pauline a adressées à Raphaël pendant son absence.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71574

 

  1. Un article de fait divers relate le duel entre Raphaël et Charles, p.357 : imaginez-le.

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=71144

 

Chacune de ces activités est évaluée avec une grille unique, commune à tous les supports d’activités :

Qualité de l’écriture / de la forme de la réalisation /5

Originalité, inventivité /3

Bonne compréhension et traitement complet du sujet /5

Analyse et exploitation du texte de Balzac /7

Remarques sur ces activités

Je me lançais pour la première fois dans l’étude d’un roman de Balzac avec des élèves de seconde, ayant toujours un peu redouté cet auteur avec mon public scolaire très hétérogène. Il était impensable pour moi de dire à mes élèves : « lisez ce roman pour telle date », parce que les élèves les plus en difficulté n’y arrivent pas. Je dois les accompagner progressivement dans cette lecture. Hors de question également de faire des contrôles de lecture : il s’agit d’une forme de « sanction » qui me semble peu stimulante, et qui réduit la lecture à une activité de mémorisation un peu stérile. Les activités créatives sont pourtant bien une forme de contrôle de lecture, mais les élèves ne s’en rendent pas forcément compte, les choses deviennent plaisantes et naturelles : faire le profil Facebook d’un personnage est une façon de voir si les élèves le connaissent bien, écrire un article sur un événement du livre est bien une façon de savoir comment les élèves l’ont compris ou en ont saisi la portée. En plus, pas moyen de copier le résultat sur un voisin ou de copier-coller une réponse sur internet, comme on pourrait l’avoir si on demandait un « résumé » du livre. Je ne m’attendais pas forcément à une telle surenchère de perfectionnisme de la part des élèves dans la mise en page des articles de journaux, puisqu’ils sont allés jusqu’à produire des fac-similés de journaux du XIXème siècle. Il y a eu un réel plaisir de leur part à entrer dans les activités, des parents qui sont venus me voir avec gratitude parce qu’ils voyaient le bonheur que les lycéens avaient à travailler. Je dois cependant avouer qu’environ trois élèves de la classe ne sont pas parvenus à entrer dans le roman, même par ce biais.

Une réflexion autour de la notion de réalisme

Nous présenterons ici trois séances de cours un peu originales qui ont été réalisées autour de la notion de réalisme. Il faut essayer de comprendre avec les élèves ce paradoxe : comment un roman qui appartient au courant réaliste peut-il contenir une intrigue aussi

Cela va nous conduire à relativiser la notion de réalisme. Au départ, nous partons des idées des élèves : qu’est-ce que le réalisme pour eux ? Et nous notons leurs définitions au tableau.

 

Puis, je distribue aux élèves un extrait de Madame Bovary de Flaubert (pièce jointe n°1) : la description de la casquette de Charles. J’organise un « concours de dessin ». Les cinq élèves qui parviennent à dessiner le mieux cette casquette gagnent une sucrerie. (Comme je ne suis pas professeur de dessin, tout le monde gagnera, mais ils ne le savent pas encore, et leur motivation est à son comble…) Les dessins sont ensuite numérisés et placés sur le blog de classe :

http://www.weblettres.net/blogs/article.php?w=or&e_id=68676

Nous réfléchissons ensuite ensemble : la casquette a été très difficile à dessiner, pour quelles raisons ? Est-elle réaliste ? Pour les élèves, il apparaît nettement que non… Alors quelle est la fonction d’une telle description… Nous en arrivons à la conclusion que cette casquette représente le personnage, qu’elle a une valeur de symbole, et que cette description dépasse le simple réalisme. Les conclusions sont également notées sur le blog. L’activité « dessin », inattendue en cours de français, a beaucoup surpris et a rendu tous les élèves actifs face au texte : elle a rendu vraiment palpable les difficultés de l’extrait, dont le vocabulaire technique, qu’il a fallu éclaircir. Nous avons expérimenté très concrètement le fait que cette description n’est pas réaliste, bien que nous sachions que le roman est bien un roman s’inscrivant dans le courant réaliste.

 

Comme les élèves viennent de lire L’Ecume des jours, ils perçoivent sensiblement le roman de Boris Vian comme une œuvre très fantaisiste, à l’opposé de toute volonté réalisme. Mais un roman extravagant est-il dépourvu de tout lien avec la réalité ? Nous étudions alors l’avant propos du roman, en le vidéo-projetant, avec Prezi, et nous en construisons ensemble une petite analyse. http://prezi.com/9lbz9jcdqoai/l-ecume-des-jours-l-avant-propos/

Nous traçons ensuite un tableau où nous essayons de classer en deux colonnes les éléments les plus fantaisistes du roman, et ce qui renvoie à la réalité de l’époque de Boris Vian.

 

Enfin, une troisième séance est consacrée à l’analyse du portrait du vieillard dans La Peau de Chagrin : nous classons également les éléments de description réalistes et ce qui nous renvoie à un univers fantastique. Nous sommes assez partagés : Balzac concile les deux.

 

Nous en concluons donc bien qu’il n’est pas si facile de dire d’un texte qu’il est « réaliste » ou qu’il ne l’est pas, et que cette notion est relative. La lecture de textes de référence sur le courant littéraire réaliste, dans notre manuel, permet aux élèves ensuite de comprendre que c’est avant tout un courant esthétique, et quels en sont les objectifs et les enjeux.

 

Des exercices autour de la notion de point de vue et des modalités du récit

Pour l’analyse de la focalisation, nous réalisons une fiche d’exercice classique (voir pièce jointe n°2) à partir de trois extraits différents de La Peau de Chagrin, qui permettent de voir quels sont les effets produits par l’usage des trois points de vues traditionnels.

Pour l’analyse des modalités, après avoir rappelé les différentes façons de concilier temporalité de la narration et celle des choses qu’on veut raconter dans un récit, ce qui débouche sur une liste des différentes modalités, nous avons recours à un test interactif sur le réseau du lycée, qui permet de faire des exerciseurs à partir d’un logiciel de gestion de classe. Il s’agit d’un QCM, à partir de phrases du roman, et les élèves doivent choisir la modalité à attribuer à chaque extrait, entre « scène » « pause », « sommaire », « analepse », « prolepse », « ellipse » ou « modalité itérative »… Le temps pour faire l’exercice est minuté, et l’avantage de l’activité est de mettre tous les élèves au travail de façon très active, chacun désirant avoir « un bon score ». Mais il est important ensuite de revenir sur la correction, de justifier l’identité de chaque modalité et d’en expliquer l’intérêt pour le romancier. (Voir pièce jointe n°3 pour la liste des phrases du roman figurant dans l’exerciseur.)

Un devoir en classe sur les points de vues et les modalités, fondé sur les mêmes types d’exercices, est ensuite prévu pour évaluer les élèves. (Voir pièce jointe n°4) Ce n’est pas parce qu’on construit un blog fantaisiste qu’on néglige de travailler avec les élèves des connaissances essentielles sur l’art du récit.

Conclusion

Nous avons essayé de construire une séquence assez complète, fondée sur la créativité des élèves, mais sans oublier d’apporter des connaissances de base aux lycéens sur les techniques du récit et sur le courant littéraire du Réalisme. Même si quelques élèves dans la classe sont passés malgré tout à côté du roman, (il faut convenir que nous n’avons pas trouvé de remède miracle pour ceux-là…) la très grande majorité a adhéré à la lecture de La Peau de Chagrin, ce qui nous semble être en soi une réussite. Les retombées de leurs réalisations sur le blog, avec des liens qui ont été donnés sur le Café pédagogique, des réactions internationales sur Tweeter ont beaucoup stimulé les adolescents. Il nous semble qu’à notre époque, nous devons former des élèves capables d’inventer-parce que c’est ce qu’attendra d’eux la société-, et mettre en évidence leurs talents créatifs a permis parallèlement de « dépoussiérer » Balzac et d’en rendre la lecture plus ludique. La publication sur le blog a permis également une émulation entre eux, chacun cherchant à rivaliser d’inventivité. La possibilité de varier les supports de travail permet une différenciation pédagogique ainsi que la constitution de groupes de travail. La publication en ligne donne aussi du sens au travail de classe, car il ne s’agit plus d’écrire pour soi, mais d’écrire pour d’autres. Le travail n’est plus strictement scolaire…

 

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