Lettres
&
Langues et culture de l'Antiquité

  Accueil > En classe > Oral > De la prise de notes vers l’oral

De la prise de notes vers l’oral

30 / 08 / 2021 | le GREID Lettres

De la prise de notes à la mise en discours pour l’oral de l’E.A.F.

Objectifs : Associer au travail littéraire sur le texte le développement de compétences langagières qui permettront aux élèves de rendre compte efficacement de leur lecture à l’oral.



Ce travail prend place dans une séquence menée en classe de première technologique sur Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. Les élèves ont lu la pièce et en ont déjà expliqué un extrait. Il s’agit ici de la deuxième lecture analytique de la séquence, qui sera présentée à l’oral de l’examen.

Texte support

 

Le Mariage de Figaro, acte V, scène 3 (extrait)

FIGARO, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre.


Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !… nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?… Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse ; à l’instant qu’elle me donne sa parole ; au milieu même de la cérémonie… Il riait en lisant, le perfide ! et moi, comme un benêt… Non, monsieur le comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! … noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter ! … On vient… c’est elle… ce n’est personne. — La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu’à moitié ! (Il s’assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! Fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits ; élevé dans leurs mœurs, je m’en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J’apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie ; et tout le crédit d’un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! — Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! (…)

 

Etape 1 : Travail collectif de compréhension du texte (1 heure)

Ce premier temps de travail permet de s’assurer de la compréhension globale du texte par tous les élèves de la classe.

  • Le texte est lu aux élèves.
     
  • On demande à tous les élèves d’écrire un court paragraphe dans leur cahier pour situer le texte dans l’œuvre. On fait ensuite lire un paragraphe et l’on fait compléter les informations données par les autres élèves de la classe si besoin. Il s’agit de faire reformuler les éléments de l’intrigue qui conduisent au monologue de Figaro et qui sont nécessaires à la compréhension de l’extrait. Le professeur attend en particulier la mention du malentendu qui conduit Figaro à critiquer Suzanne dans son monologue : il croit celle-ci prête à le tromper avec le Comte, alors qu’elle tend en fait un piège à ce-dernier, se mettant ainsi au service de la Comtesse. Il est également nécessaire de préciser que la scène prend place juste avant le mariage de Suzanne et Figaro, dans le parc du château. Figaro s’est dissimulé pour surprendre l’entrevue entre Suzanne et le Comte.
     
  • Les élèves sont alors invités, par binômes, à déterminer des mouvements qui composent le texte et à donner un titre à chacun de ces mouvements. Le travail est ensuite mis en commun : les élèves confrontent leurs propositions en justifiant leur découpage et les titres attribués. La classe se met d’accord sur une proposition. Ce travail de justification permet de faire expliciter à l’oral le sens et les enjeux du texte.

 

Etape 2 : Analyse précise du texte : « world café » (1 heure)

Cette deuxième étape permet de procéder à une analyse détaillée du texte et de travailler le passage de la prise de notes à la mise en discours écrit.
 

  • Les élèves sont installés en groupes : la classe ayant déterminé trois mouvements dans le texte étudié, six groupes sont constitués (deux « world cafés » se tiendront en parallèle).
     
  • Chaque groupe reçoit l’une des parties du texte, photocopiée sur une feuille de format A3, dans une mise en page aérée. Les élèves ont pour consigne d’annoter le texte pour l’expliquer : ils peuvent ainsi identifier des procédés d’écriture associés à des interprétations ou encore formuler des réactions au texte (ce qu’ils en comprennent, ce qu’ils en pensent). Le professeur donne sept minutes aux élèves pour procéder à ce travail (l’activité est chronométrée et le chronomètre si possible projeté au tableau). A la fin de ce premier temps de travail, les groupes échangent leurs feuilles : chaque groupe a donc une nouvelle partie du texte sous les yeux, partie déjà annotée par le groupe précédent. Le temps de travail est alors réduit à 5 minutes. On procède ensuite de la même manière pour le dernier échange.
     
  • Quand tous les groupes ont travaillé sur toutes les parties du texte, chaque groupe récupère la partie qui lui avait été confiée initialement. On demande aux élèves de lire l’ensemble des analyses et de rédiger collectivement, sur leurs cahiers, un bilan de l’explication de cette partie. Ce bilan est une première mise en discours de la prise de notes. Il servira de point d’appui pour l’oralisation de l’explication, qui constituera une seconde mise en discours.

Exemple de partie annotée par les élèves de la classe :


 

Etape 3 : Oralisation de l’explication de texte (1 heure)

Dans ce troisième temps de travail, chaque élève enregistre un court moment de l’explication du texte travaillé.

  • Les élèves reforment les groupes de la séance précédente. On leur demande d’enregistrer, sur leur téléphone portable ou sur des enregistreurs vocaux, l’explication de la partie du texte étudiée à la séance précédente. Les élèves disposent du texte annoté et du bilan rédigé sur leur cahier.
     
  • Chaque élève à son tour réalise le travail. Pendant qu’un élève s’enregistre, les autres membres du groupe l’écoutent, l’arrêtent si besoin, le conseillent. Plusieurs prises sont souvent nécessaires. Le professeur peut déterminer un ordre de passage pour l’enregistrement : les élèves les plus en difficulté passeront plutôt après les élèves les plus compétents, afin qu’ils puissent entendre des modèles langagiers qui pourront les aider au moment de parler. Tous les élèves enregistrent donc un oral de deux ou trois minutes. Le professeur récupère tous les enregistrements.

Exemple d’enregistrement :
 

Enregistrement Iliesse

 

 

L’on entend derrière l’élève la classe au travail, puisque plusieurs élèves s’enregistrent ou se conseillent les uns les autres en même temps. L’activité suppose donc un « pilotage » bien maîtrisé, avec une gestion du temps resserrée. 

A l’issue de ce travail, le professeur peut faire la synthèse écrite de toutes les analyses produites par les élèves sur l’ensemble du texte et la distribuer à toute la classe, comme support commun de travail pour la révision de l’épreuve à la fin de l’année.


Extrait de la fiche de synthèse distribuée aux élèves :

  • Deuxième mouvement : « Il riait en lisant, le perfide ! (…) Il s’assied sur un banc ». → Figaro compare la situation du Comte à la sienne et montre, par cette comparaison, l’injustice des privilèges des nobles. Dans ce passage, le Comte est fortement critiqué.
Il riait en lisant, le perfide ! Adjectif péjoratif, qui dévalorise et critique le Comte.
… Non, monsieur le comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Répétition de « vous ne l’aurez pas » pour montrer sa détermination à s’opposer à son maître. La répétition du pronom personnel « vous », dans l’ensemble de cette partie du texte, accentue la rage de Figaro, qui parle au Comte comme s’il était en face de lui. (Il ne pourrait pas s’adresser ainsi au Comte directement : Figaro compense son impuissance par ce monologue).
noblesse, fortune, un rang, des places Champ lexical des privilèges. Enumération longue qui s’oppose à la négation « Vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus ». L’opposition entre tous ces privilèges et leur source ridicule (la naissance) crée un sentiment d’injustice.
tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter !… Antithèse entre « vous » (le comte) et « moi » (Figaro) : l’un n’a fait aucun effort et possède tout ; l’autre en fait énormément et ne possède rien. Antithèse marquée par la proposition subordonnée conjonctive, complément circonstanciel d’opposition (« tandis que »…).


Allitération en [s] qui nous fait ressentir toute la difficulté que par éprouvée Figaro.
On vient… c’est elle… ce n’est personne. Phrase qui permet au lecteur/spectateur de revenir à la situation de la scène, de se « raccrocher » : cela justifie ce long monologue ; Figaro attend l’arrivée de Suzanne.

 

Etape 4 : Retour sur les productions orales, travail des compétences langagières

(1 heure)
Il s’agit, dans ce dernier temps, de travailler plus finement certains points de langue, pour améliorer l’oral des élèves.

  • Le professeur a écouté l’ensemble des enregistrements. Pour chaque élève, il a rempli une grille d’évaluation qui va permettre de cerner les compétences déjà acquises et celles qu’il va falloir continuer à développer. Il distribue ces grilles en début de séance à tous les élèves, sauf à l’un d’entre eux, qu’il a sélectionné pour l’intérêt de sa prestation. Il s’agit d’avoir identifié dans cet oral un point de langue particulier mal maîtrisé, typique de plusieurs prestations dans la classe. On peut par exemple choisir de travailler sur la manière de relier les analyses les unes aux autres avec des connecteurs logiques ; on peut également travailler sur l’utilisation variée et précise des verbes qui permettent d’introduire les analyses.

Le professeur distribue également une transcription de ce court oral.

Exemple de grille d’analyse :

Ilisesse Ce qui est positif Ce qui peut être amélioré
Contenu de l’explication De bonnes analyses, bien appuyées sur l’explication des procédés d’écriture.
 
Expliquez l’analyse (juste mais peu claire) sur la phrase qui permet de « bien s’accrocher à la scène ».
L’analyse sur le diable est peu pertinente.
Langue Niveau de langue adapté. Il y a aussi, il y a également, il y a également : il faut travailler sur les connecteurs logiques et les verbes introducteurs d’analyses.
Attention aux liaisons :
« Qui z ont tout ça »
Insister sur quelque chose.
Qualités oratoires Plutôt bien car l’analyse n’est pas lue. La parole peut être encore plus vivante.

 

  • Les élèves écoutent l’oral sélectionné et remplissent la grille d’écoute vierge qui leur est proposée. Le professeur fait ensuite mettre en commun les analyses, et dirige l’attention des élèves vers le point de langue qu’il souhaite travailler. La classe réfléchit aux possibilités d’améliorations de ce discours, en intervenant par écrit sur la transcription distribuée : par exemple, on ajoute des connecteurs logiques ; on remplace certains verbes par d’autres, plus variés et plus précis.
     
  • Un élève est alors invité à mettre en voix le texte réécrit.
 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer