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Création de descriptions de chimères : une exploration des cas latins

05 / 01 / 2024 | le GREID Lettres

 

 

 

 

par Laure Theoden, collège La Cerisaie, Charenton-le-Pont

Niveau  : Cinquième LCA

Objectif  : manipulation et compréhension du système de déclinaisons préparation d’un travail d’écriture en latin 

Items du socle commun : Lire, comprendre, traduire : comprendre un texte simple
 Comprendre le fonctionnement de la langue : les principes d’une langue à déclinaison
 2.2 coopération et réalisation de projet
 5.3 Invention, élaboration, production

Items du CRCN : 2.3 Collaborer ; 1.2 Gérer des données

Contexte  : classe de Cinquième, 1 heure de cours hebdomadaire
 activité faite lors de la 2e séquence de l’année, sur les animaux des bestiaires

Supports  :

  • extraits du manuscrit médiéval d’Aberdeen
  •  tableaux des déclinaisons latines
  •  vocabulaire des animaux de Thierry Martin
  •  espace numérique Digipad de La Digitale

Durée  : 3 heures

Démarches  :

  • lecture et compréhension globale d’extraits du manuscrit d’Aberdeen
  • manipulation des déclinaisons avec le vocabulaire des animaux
  • mise en commun sur tableur de type Framapad avec correction entre pairs
  • compréhension et échanges autour des descriptions aléatoires générées

Outils numériques :

  • Digipad avec tableur intégré
  •  bot en ligne pour générer le code
  •  compte X (anciennement Twitter) pour afficher les descriptions

Apports spécifiques du numérique :
mise en commun facilitée avec correction entre pairs argumentée
génération de descriptions aléatoires rapide et féconde

 

Déroulé de l’activité

 Dès la première séance, la tâche finale de la séquence sur les bestiaires est annoncée : il s’agira de décrire en latin sa propre créature, en s’inspirant d’auteurs de l’Antiquité et du Moyen Âge. Les élèves auront l’occasion de découvrir des bêtes décrites par Ctésias de Cnide, Pline l’Ancien ou J. K. Rowling, mais aussi de manuscrits du Moyen Âge, tel l’Aratea et celui d’Aberdeen. L’idée est d’inciter à manipuler correctement les déclinaisons en mettant en évidence leur finalité et de donner du sens à leur apprentissage ensuite.
 Un passage par le travail collectif m’a semblé nécessaire avant l’écriture personnelle d’une créature, d’où la création de descriptions collectives aléatoires de chimères avec une appropriation du système de déclinaisons.
 L’année précédente, en effet, la difficulté principale avait été d’individualiser le suivi des élèves lors de l’écriture en classe en autonomie, car si certains avaient acquis un niveau de compréhension suffisant des cas pour l’exercice, beaucoup avaient encore besoin d’une médiation du professeur. Le travail collectif avec usage du numérique devait cette année permettre une phase d’appropriation collective et d’échanges en décentrant la notion à transmettre de l’enseignant et favoriser ainsi une dynamique de groupe autour du système des cas et déclinaisons.
 La séquence a duré environ 10 séances, à raison d’1 heure par semaine. L’activité détaillée ici s’est déroulée sur 3 heures.

Lecture et compréhension de descriptions d’animaux chimériques

 Au début de la séquence, les élèves ont déjà découvert des extraits de Ctésias de Cnide (Bibliothèque de Photius, LXXII, 15) et de Pline l’Ancien ( Pline, Histoire Naturelle, livre VIII, XXX, 3). Ils ont comparé la description de la manticore et observé les similitudes et divergences dans l’écriture.
 
 Les élèves lisent alors une sélection d’extraits du manuscrit d’Aberdeen : la leucrote, l’ibex, l’eale, le monoceros et le bonnacon, mis à disposition en ligne par l’Université d’Aberdeen. Les illustrations issues du manuscrit sont projetées et ils doivent attribuer à chaque extrait sa représentation. Pour cela, les élèves s’appuient sur l’étymologie, le vocabulaire des parties de l’animal présent dans les textes précédents. La correction est faite à l’oral et chacun argumente. On remarque que la description est organisée et comporte le lieu d’habitation. Comme chez Pline et Ctésias, l’animal est décrit en comparant chaque partie du corps à celles d’animaux connus par les Romains.

Création d’éléments afin de coder et de générer des phrases aléatoires

 L’objectif de l’heure suivante est de concevoir des éléments permettant de générer aléatoirement un grand nombre de descriptions de créatures imaginaires. Un canevas bien défini sera utilisé, en lien avec les observations précédentes :

In [lieu à l’ablatif singulier], nascitur bestia nomine [nom libre de la créature], [nom d’un animal au génitif singulier] corpus, [nom d’un animal au génitif singulier] caput et [nom d’un animal au génitif singulier] caudam habet, [nom d’un animal à l’accusatif pluriel] vorat.

 Les élèves sont invités à créer trois colonnes dans leur cahier : ablatif, génitif et accusatif. L’objectif est de proposer un maximum de mots, ce qui permettra de mettre en évidence rapidement les caractéristiques de chaque déclinaison. Ils disposent de l’ensemble des tableaux de déclinaison, d’une liste de noms d’animaux connus des Romains, ainsi que d’une carte projetée de la Méditerranée. En autonomie, ils doivent utiliser ces ressources pour créer les éléments requis en manipulant le génitif, l’ablatif et l’accusatif. Le professeur a préalablement rappelé que le génitif singulier indique la déclinaison.

photo d'un élève établissant sa liste de noms
Elève établissant sa liste de noms

 Préalablement à la séance, un tableur collaboratif Framacalc a été créé dans un espace numérique Digipad afin de faciliter la restitution. En classe, ce document en ligne, équivalent à Excel mais RGPD, est projeté et les élèves le complètent ensemble. Un élève s’occupe de la saisie sur l’ordinateur, tandis qu’un autre gère les échanges au sein de la classe. Les élèves proposent leurs noms et, en cas de désaccord sur la déclinaison, ils procèdent à une argumentation pour corriger leurs pairs.
Image BC : les élèves remplissent le document en ligne
 Une fois les données du tableau collectées, différentes méthodes peuvent être utilisées pour générer des phrases aléatoires à partir de ces éléments. Une option consiste à coder à l’aide d’un outil tel que Tracery, en suivant les explications de Julia Dumont et Joanna Marques dans leur article intitulé « Comment concevoir un bot en classe ? » Une autre possibilité est d’utiliser une IA de type Chat GPT pour générer le code ou corriger d’éventuelles erreurs de codage.
 Un bot gratuit, agent logiciel qui effectue des tâches répétitives, est alors utilisé pour générer et publier des descriptions aléatoires de manière régulière sur les réseaux sociaux. Cette année, X (anciennement Twitter) a été utilisé, toutefois la fonctionnalité a été retirée en avril 2023. Mastodon, réseau social alternatif à X, permet la programmation gratuite de bots sur sa plateforme.
 

Création avec un bot du code pour générer des phrases aléatoires


 

Capture d’écran d’une création du code avec Chat GPT

Exploitation des descriptions

 Les phrases générées sont projetées à la classe et traduites à l’oral. La structure répétitive des phrases met en évidence les désinences de chaque déclinaison. Elles sont aussi montrées aux autres niveaux de latinistes, afin de mettre en valeur le travail et de réviser les cas. La variété du vocabulaire utilisé encourage les échanges entre les élèves, favorisant ainsi la dynamique d’apprentissage.

Les élèves lisent, traduisent, échangent autour des descriptions aléatoires

Les phrases générées sont utilisées comme rituel de début de cours pendant plusieurs semaines. Les élèves découvrent la description de la créature générée aléatoirement, commentent la structure (“dans vulpis caput, vulpis est au génitif, dans lupae caudam caudam est à l’accusatif...”) et la traduisent. Lors de la réalisation de la tâche finale, qui consiste à créer une description détaillée et illustrée d’une créature personnelle, les élèves ont fréquemment réinvesti la structure des phrases et ont fait preuve d’une plus grande rigueur dans l’utilisation des cas par rapport aux années précédentes. Le professeur est aussi moins sollicité.
 Le fait d’apprendre ensuite simultanément les deux premières déclinaisons s’est avéré satisfaisant, car les élèves ont pu au préalable donner du sens au système des cas. De plus, le génitif singulier et l’accusatif pluriel de la 3e déclinaison sont bien identifiés dans les descriptions créées par les élèves, puis dans d’autres extraits du manuscrit d’Aberdeen.

Bilan

 L’activité réalisée sur 3 heures, de la découverte du manuscrit d’Aberdeen à la projection des descriptions aléatoires, a permis aux élèves de donner du sens à la structure de la phrase latine tout en gagnant en autonomie. Ils ont également démontré leur capacité à se corriger mutuellement en s’appuyant sur des arguments pertinents.
 La finalité de l’exercice, qui consistait à générer des créatures fantastiques, a suscité une réelle motivation chez les élèves. Même les élèves de 4e ont été enthousiasmés par l’activité et ont souhaité y participer. Ils en ont profité pour réviser les cas et la 3e déclinaison.
 Pour aller plus loin, une collaboration avec un professeur de technologie ou de mathématiques pourrait être envisagée lors du codage afin de le réaliser en cours avec les élèves. Construire un manuscrit numérique recueillant les créatures des élèves lors d’un travail conjoint avec le français et l’histoire est aussi une option séduisante.

 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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