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Leurs yeux se rencontrèrent

10 / 07 / 2018 | le GREID Lettres

Par Séléna Hébert, professeur de Lettres Classiques au Lycée Samuel de Champlain

Niveaux  :

  • français classes de première générale et technologique.
  • LCA grec classes de première.


Objets d’étude :

  • Français : Le Personnage de roman du XVIIe siècle à nos jours.
  • ​Français : Les Réécritures pour les classes de première littéraire.
  • LCA grec : Récit et témoignage.

 
Corpus de textes  :

Chariton d’Aphrodise, Chéréas et Callirhoé, I, 4-8, Ier siècle après J.-C.

Complété pour une séquence de LCA grec de :

  • Longus, Daphnis et Chloé (I, 13-14 et 17-19)
  • Achille Tatius, Les Aventures de Leucippé et Clitophon (I, 4)
  • Xénophon d’Éphèse, Les Ephésiaques (I, 1-5, lecture cursive en français)
  • Apulée, Les Métamorphoses (V, 22-24, texte latin).
  • Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678.
  • Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731.
  • Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, 1869.
  • Louis Aragon, Aurélien, incipit, 1944.
  • Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique, 1950.
  • Heinz G. Konsalik, Folles vacances, 1981.
  • Jean Rousset, Leurs Yeux se rencontrèrent. La Scène de première vue dans le roman, Paris, Corty, 1981.

 
 
Suggestions d’autres textes :

  • Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830.
  • Stendhal, Lucien Leuwen, 1834-1835.
  • Balzac, Le Lys dans la vallée, 1836.
  • Jean-Christophe Ruffin, L’Abyssin, 1999.
  • David Foenkinos, La Délicatesse, 2009.

 
 
Suggestions de films :

  • Le coup de foudre montré et assumé dans les comédies :
  • Le Gendarme se marie, Jean Girault, 1968, 1’17’’. Éclair matérialisant le coup de foudre visible lors du baise-main.
  • Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Alain Chabat, 2002, 24’. Indices du coup de foudre volontairement grossis et montrés (mouvement des cheveux, regard, vent dans les cheveux...).
     
  • Le cas des comédies romantiques – deux topoi opposés :
  • une première rencontre durant laquelle l’amour naît, parfois à sens unique :
  • Quatre mariages et un enterrement, Mike Newell, 1994, 10’ à 13’. Coup de foudre davantage mis en évidence pour l’homme que pour la femme (le choix du point de vue masculin peut l’expliquer) même si l’intérêt de celle-ci pour l’homme est visible.
  • Love actually, Richard Curtis, 2003, 8’ à 9’30’’. Coup de foudre mis à distance par un humour très britannique.
  • L’Étudiante, Claude Pinoteau, 1988, 1’39 à 4’05. Coup de foudre à sens unique avec des plans qui reprennent la focalisation interne et l’esthétique du blason.
  • Coup de foudre à Notting Hill, Roger Mitchell, 1999, 5’45’’ à 16’33. Deux rencontres successives dans lesquelles le jeu de regard et les expressions de la bouche trahissent la naissance des sentiments.
    • une première rencontre qui se passe mal :
    • Le Journal de Bridget Jones, Sharon Maguire, 2001, 3’04 à 5’28’’. Présentation arrangée par les parents, mais l’échange entre les jeunes gens montre qu’ils ne s’apprécient pas.
    • 27 robes, Anne Fletcher, 2008. L’homme est intrigué par la femme (3’00 et 5’58) mais leur rencontre n’a lieu qu’en 10’57 et met en lumière leurs conceptions opposées du mariage.
  • Le cas des autres genres cinématographiques :
    • Autant en emporte le vent, Victor Flemming, 1939, 20’47 à 21’34 (Drame). Premier échange de regards significatifs.
    • Vertigo ou Sueurs froides, Alfred Hitchcock, 1958 (Drame/Thriller) : scène artificielle, créée pour tromper le héros. On peut repérer des éléments qui signent l’artifice (miroir, entrées et sorties, pause de la femme) et d’autres qui montrent le but de séduction poursuivi (symbolique du rouge, coup de foudre, élégance de la femme...). On peut alors comparer cette première rencontre entre Scottie (l’homme) et Madeleine (la femme) avec celle de ce même Scottie avec Judy (actrice employée pour jouer en fait Madeleine ce que Scottie découvre progressivement) : la rencontre mythique avec Madeleine devient rencontre dégradée avec Judy.
    • Titanic, James Cameron, 1997 (Drame), 35’ à 45’. Le regard de l’homme marque un intérêt pour la femme, mais est freiné par la différence de classes sociales. Il vient ensuite à son secours. Scène programmatique de la dernière rencontre des amants : mort du héros annoncée, amour salvateur et effacement des différences sociales.
    • La vie est belle, Roberto Benigni, 1997 (Comédie dramatique) : parodie de conte de fée avec la chute de la jeune femme dans les bras du héros, le registre burlesque et comique.
  • Sin City, Robert Rodriguez et Franck Miller avec la participation de Quentin Tarantino, 2005 (Thriller), du début à 3’ : cliché du coup foudre repris et détourné par une chute (l’homme tue la femme : c’est un tueur à gages employé par celle-ci), esthétique qui reprend celle des Comics.


    Qu’en est-il de cette scène dans les films non-occidentaux ?
  • L’Odeur de la papaye verte, Trần Anh Hùng, 1993. Pas de réelle scène de première rencontre. Lors de la première mise en présence de la jeune Mùi et de Khuyen, il ignore la petite servante qui n’est occupée que de bien faire son service ; lors de la deuxième rencontre, consciente de l’importance de cet hôte, elle se pare et est heureuse qu’il la regarde mais n’est alors qu’une enfant : la scène est plus celle d’une joie enfantine, certes programmatique de l’amour futur, qu’une rencontre amoureuse. Mùi adulte devient la servante de Khuyen, leur rencontre n’est pas montrée, ils semblent s’ignorer et ce n’est que certains indices qui témoignent de l’intérêt qu’ils se portent jusqu’à la scène où ils se retrouvent face à face quelques secondes.
  • In the mood for love, Wong Kar-wai, 2000. Pas de scène de première rencontre. Le film se construit comme une succession de rencontres entre deux êtres entre lesquels l’amour naît, mais qui choisissent de ne pas vivre cet amour contrairement à leurs conjoints respectifs (jamais montrés à l’écran) qui entretiennent ensemble une liaison adultère. La musique (Yumeji’s theme, Shigeru Umebayashi), la pluie et le jeu des regards témoignent de l’évolution des sentiments alors que les dialogues sont presque absents.
    • Comment faire d’une scène topique une belle page de littérature ?
    • En quoi la scène topique de la première rencontre amoureuse permet-elle de percevoir l’évolution du personnage de roman ?
    • En quoi la scène topique de la première rencontre amoureuse permet-elle de s’interroger sur ce qu’est la réécriture d’un motif littéraire ?
    • Comprendre les enjeux d’un topos pour l’écrivain et le lecteur : former nos élèves-lecteurs à entrer dans les textes de manière active, rechercher des indices, faire des hypothèses de lecture, construire du sens, anticiper, faire des inférences, percevoir les filiations entre textes ; savourer la lecture d’un beau texte littéraire.
    • Construire la notion de réécriture : connaître les différentes formes de réécritures et réfléchir à leurs utilisations ; cerner ce qu’est un topos littéraire ; réfléchir à ce que la reprise d’un topos par un écrivain impose comme attachement aux caractéristiques topiques et comme écart avec celles-ci ; réfléchir à l’intérêt d’entrer dans une telle forme de contrainte (contraintes stimulantes).
    • Réfléchir à l’intérêt qu’il y a à confronter des textes, de l’Antiquité à nos jours : réfléchir à ce que la comparaison de diverses scènes présentant un même motif nous enseigne sur l’histoire du personnage romanesque ; réfléchir sur l’écart entre le texte grec et les modernes ; réfléchir aux enjeux d’une traduction.
    • Travailler les compétences méthodologiques évaluées à l’E.A.F. : travailler la question sur corpus en ne s’attachant pas seulement aux points communs entre les textes, mais en percevant les différences qui sont des marques de l’originalité d’un auteur ; travailler le commentaire (lectures analytiques de certains textes) ; travailler la dissertation en réfléchissant sur l’intérêt d’une scène topique ou sur la part de réécriture présente dans un roman ; travailler l’invention en proposant un sujet en lien avec le corpus ; s’entraîner à argumenter, défendre un point de vue sur un problème littéraire en vue de l’entretien oral.


      Séances Supports Objectifs Activités
      1
       
      1 heure
      Aucun

       

      - Prendre conscience de l’existence de motifs récurrents dans les scènes de première rencontre.
      - Réfléchir aux difficultés de l’écriture d’une telle scène.
      - Dégager la problématique de la séquence.
      Travail autonome : les élèves écrivent les caractéristiques, selon eux, d’une scène de première rencontre amoureuse et, s’ils ont le temps, rédigent un texte succinct en utilisant ces caractéristiques.
      Mise en commun : mise en commun des caractéristiques et lecture de quelques textes.
      Réflexion  : l’écrivain doit-il respecter ces caractéristiques ? Quel problème se pose à lui pour écrire un tel texte ?
       
       
       
      2
       
      1 heure
      Divers extraits de films. - Réfléchir aux contraintes et libertés de l’artiste lorsqu’il reprend un topos.
      - Réfléchir à ce qui fait la qualité d’une scène.
      - Développer l’esprit critique.
      - Exprimer un avis, argumenter.
      Projection aux élèves de plusieurs scènes de première rencontre. Les élèves relèvent les invariants et les éléments originaux.
      Mise en commun et réflexion sur ce qui fait la qualité des extraits.
      Le but est de montrer que certaines scènes sont réussies, d’autres pas et de s’interroger sur ce qui les différencie.
      3
       
      2 heures
      La Princesse de Clèves, L’Éducation sentimentale, Aurélien, Folles vacances
      Aucun paratexte
      - Transposer la réflexion menée sur les films à la littérature
      - Qu’est-ce un topos  ? Quels sont les différents types de réécritures qui existent ?
      - Réfléchir à l’évolution du personnage romanesque.
      - Ces scènes de première rencontre vous paraissent-elles réussies ? Pourquoi ?
      Les élèves débattent, argumentent.
      - Organisation des éléments de réponse de manière à mettre en place des connaissances sur les notions de topos et de réécriture.
      - Les références (auteurs, titres, dates) sont données et amènent une réflexion sur le personnage de roman.
      4
       
      1 heure
      La Princesse de Clèves - Appliquer des compétences méthodologiques du commentaire.
      - S’exprimer oralement, argumenter.
      Lecture analytique  : en quoi cette scène de première rencontre est-elle littérairement réussie ?
      5
       
      2 heures
      Aurélien - Appliquer des compétences méthodologiques du commentaire.
      - S’exprimer oralement, argumenter.
      - Rédiger une introduction, une conclusion ou une sous-partie de commentaire.
      Lecture analytique  : comment Aragon joue-t-il avec virtuosité du topos de la première rencontre ?
      Les élèves aboutissent à un plan assez détaillé.
      Travail écrit : Rédaction d’un aspect du commentaire (introduction, sous-parties, conclusion) en répartissant les divers moments du devoir entre les élèves pour reconstituer ensuite une copie avec les meilleurs extraits de chaque moment.
      6
       
      2 heures
      Un Barrage contre le Pacifique - Appliquer des compétences méthodologiques du commentaire.
      - Comment donner du sens à l’analyse de citation.
      Lecture analytique : comment Duras s’amuse-t-elle des clichés des scènes de première rencontre ?
      Construction d’un plan détaillé.
      Travail sur la manière dont on analyse des citations (celles du texte de Duras) au sein d’un commentaire en s’attachant non seulement au repérage de procédés, mais surtout aux effets de sens de ceux-ci.
      7
       
      2 heures
      Chéréas et Callirhoé sans paratexte
      Films : L’Odeur de la papaye verte ; In the mood for love.
      - Réfléchir à la notion d’hypotexte ou texte source.
      - S’interroger sur le relativisme culturel.
      - S’interroger sur ce qu’est une traduction.
      - Comment se situe, selon vous, ce texte dans l’ensemble de ceux que nous avons lus (situation qualitative et chronologique) ?
      - Comparaison de deux traductions (ce travail peut être approfondi avec un professeur de Lettres classiques) : quels sont les enjeux de la traduction ? Rester fidèle aux mots mêmes du texte même si cela implique des difficultés de compréhension liées à l’écart temporel et culturel ? Rendre compte de l’esprit du texte ? Les deux ?
      - Réflexion sur le relativisme culturel à partir de films asiatiques : ces scènes de première rencontre correspondent à un topos dans la culture occidentale. Qu’en est-il dans d’autres cultures ?

      Évaluations possibles :

       
      Précisions en lien avec les L.C.A.  :
       Les romans d’amour grec antiques mettent en place le topos étudié. On y voit en effet deux jeunes gens, toujours idéalisés (physiquement et moralement), de noble naissance, s’éprendre dès le début du roman l’un de l’autre. Le coup de foudre est orchestré par une divinité ce qui montre qu’ils sont bien destinés l’un à l’autre. Très rapidement, les amoureux se retrouvent séparés (mort supposée, attaque de brigands ou de pirates, rivaux...) et ce n’est qu’à la fin du roman qu’ils se trouvent réunis. Le mariage a lieu soit au début, soit à la fin du roman.
       Un roman fait exception, celui de Longus intitulé Daphnis et Chloé, également connu sous le titre des Pastorales. Dans cet ouvrage, les deux héros se connaissent depuis l’enfance et leur amour ne naît qu’à l’adolescence, brutalement à chaque fois, mais pas simultanément. Ils ne sont que peu séparés et l’enjeu essentiel pour ces jeunes bergers (ils sont en fait de noble naissance) est de comprendre ce qui leur arrive car ils sont totalement ignorants des choses de l’amour. Le roman conte donc leur initiation amoureuse.
       On voit bien tout le parti que les auteurs du XVIIe siècle ont pu tirer de ces lectures (même si certains de ces romans n’avaient pas encore été traduits alors) : amours de bergers idéalisés se comportant comme des nobles, nombreux rebondissements... De Scudéry à Bernardin de Saint-Pierre, la lignée est féconde...
       Il est possible de se faire une idée de ce qu’est un roman grec d’amour en regardant quelques passages des films qui constituent la saga des Angélique, mutatis mutandis. De ce point de vue, le premier épisode Angélique, marquise des anges refuse le topos en faisant en sorte que l’héroïne s’éprenne tardivement de son époux. En revanche, les deux derniers épisodes (Indomptable Angélique et Angélique et le sultan) présentent davantage de passages exploitables : non seulement le point de vue adopté alterne entre le héros (Geoffrey de Peyrac) et l’héroïne (Angélique) comme dans les romans grecs – alors que les précédents épisodes ne suivent que la jeune femme –, mais en plus les péripéties correspondent à ce que l’on peut lire dans les romans grecs avec les pirates, les rois rivaux, les enlèvements et évasions...
       
      Pour en savoir plus :

      • Commentaire du texte de l’Abbé Prévost.
      • Dissertation sur l’intérêt des réécritures ou à partir d’une citation de Jean Rousset.
      • Invention : écriture d’une scène de première rencontre ; écriture de la suite d’un des textes ; réécriture du poème de Baudelaire « À une passante » sous forme romanesque.
      • Fin de séquence : à partir des extraits de Jean Rousset, faire une synthèse de la manière dont les textes et films étudiés s’approprient la scène de première rencontre.
      • Extraits de ces romans grecs en annexe pour compléter celui de Chariton.
      • Alain Billault, La Création romanesque dans la littérature grecque à l’époque impériale, Paris, P.U.F., 1991.
 
Directeur de publication :
A. David
Secrétaire de rédaction :
C. Dunoyer

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